Voilà un film assez marginal par rapport au reste des productions Disney Channel qu’il m’avait été donné de voir. En premier lieu de par sa date de sortie. Bienvenue chez Trudy date en effet de 2002, il nous est donc parvenu bien avant l’explosion Disney Channel, le phénomène Hannah Montana, High School Musical et autres joyeusetés. Du coup, il est déjà intéressant d’un point de vue historique. Comment faisait Disney avant de vendre des pop stars dégueulasses à nos adolescentes chéries ? Le deuxième point d’intérêt était le sujet plutôt « osé » : nous parler d’une fille et de son frère jumeaux handicapé mental. Nous devinons qu’un tel sujet va bien entendu être traité par Disney Channel avec une infinie justesse et une subtilité inégalée.
Je dois dire que ce film m’a fait grande honte. On m’a toujours appris que c’était mal de se moquer des handicapés, pourtant rien à faire, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire devant ce jeune Shia LaBeouf et ses grimaces grotesques. Du coup j’avais honte de rire de ça devant mon écran, je me sentais mal ! Face à ce bon vieux Shia, nous avons déjà un prototype de l’héroïne disneychannelesque typique : Trudy (abrégée en « Tru », je m’abstiendrai de tout jeu de mots vaseux). Voyez plutôt : elle veut devenir réalisatrice, elle est ingrate et râle sur tout, surtout sur ses parents qui bien entendu ne la comprennent pas, trop injuste la vie !
Ceci dit, elle reste moins insupportable que d’autres héroïnes de la firme, tout simplement parce qu’elle évolue et se rend compte qu’elle a été une connasse. Pas comme des Harriet ou Sharpay qui se complaisent dans leur pétassitude, et le film leur donne bien raison. Non, ici notre héroïne apprend de ses erreurs, que c’est pas bien d’être vilaine avec son frère attardé, de traiter sa mère comme de la merde, ou d’en vouloir à son papa qui travaille trop et est donc à cran tout le temps. Vous l’aurez compris, le film se finit dans un torrent de bienpensance assez nauséeux, tout le monde est beau est gentil. Cependant ça reste l’un des films les plus idéologiquement sains de Disney Channel, ça montre bien le niveau.
Mais ça n’en reste pas moins une belle dégueulasserie, on veut nous faire chialer à coup de scènes trop tristes et de grosse musique au piano bien grasse. Tous les clichés que vous pourriez imaginer en lisant le synopsis se retrouvent dans ce film, on a absolument tout, la réconciliation entre la mère et la fille, le film fait par notre héroïne montrant que son frère est trop bien avec une subtile voix off et qui remporte l’adhésion de tout le monde, le père qui n’est jamais là mais qui le regrette… Raaaah. Dans le genre, on a aussi le traditionnel duo de meilleurs amis. Notre héroïne est brune, sa meilleure amie est donc blonde, et son meilleur pote est black, forcément. A noter que je ne me souviens absolument de rien d’autre concernant ces deux personnages, assez fascinant cette non existence à l’écran. Ah par contre, pour une fois on a pas une rivale, mais c’est le beau gosse sur lequel fantasme Trudy qui est en fait un connard, what a twist !
L’un des points essentiels de l’intrigue est également le fait que Trudy veut devenir réalisatrice, son rêve est d’ailleurs d’avoir une série sur sa vie (tristesse). Du coup, le film se la joue mise en abîme avec des fausses images d’archive, des effets de montages vomitifs entre chaque séquence. C’est vraiment précurseur de ce film clé qu’est Le Geek Charmant en fait, quelle réjouissance ! Ah, et le réalisateur a visiblement eu carte blanche totale niveau mise en scène, puisqu’il semble avoir subitement décidé en plein milieu du tournage de se prendre pour Terrence Malick. On a donc des plans complètement random sur des papillons ou de l’herbe, sans compter les séquences de rêve dans les champs, surexposées et avec des effets de focale à pleurer. A noter que ce cinéaste, Paul Hoen, s’est vraisemblablement fait frapper sur les doigts pour sa fantaisie visuelle puisque ses productions plus tardives pour le studio témoignent d’un parti pris formel moins osé (je pense à Let it Shine ou bien évidemment Camp Rock 2).
Ce film est sans doute moins gerbant que la moyenne des productions Disney Channel, n’empêche que le goût qu’il laisse en bouche n’est tout de même pas très agréable et évoque malgré tout le lendemain de cuite aux reflux gastriques prononcés. Il témoigne de l’époque où la chaîne n’était pas encore parasitée par la musique de merde et les pétasses couvertes de paillettes, ce qui ne les empêchait pas de déjà faire de la merde sur pellicule. Je dirais malgré tout que c’est à voir, pour la réalisation prétentieusement dégueulasse en mode « filme d’oteure trolol » et la prestation honteusement drôle de notre Labouffe bien aimé.