En découvrant Big Bad Wolves au Festival international de Busan, Quentin Tarantino a décrété qu’il s’agissait du meilleur film d’année, sans justification comme à son habitude. Ce coup-de-pouce de l’auteur de Pulp Fiction a permis de mettre le film en avant et de faire connaître Keshales et Papushado, dont c’est la seconde réalisation après Rabies, qui avait l’originalité d’être l’un des premiers films d’horreurs israélien.
Keshales a déclaré en interview « C’est l’inspecteur Harry qui se retrouve par erreur dans un film sud-coréen écrit par les frères Grimm ! Voilà comment nous l’avons pitché au producteur. » En effet Big Bad Wolves raconte la vengeance d’un père dont la fille a été violée, mutilée puis tuée par un homme. Il s’en prend au suspect n°1 que la police a dû relâcher à cause d’un malencontreux vice de procédure. Le film va se concentrer autour de ces trois hommes, le policier auteur de la bavure, le professeur de théologie accusé et le père déterminé.
Dans un premier temps, Big Bad Wolves s’annonce aussi vain que formellement brillant. Dans un second temps, il est simplement pachydermique. Dès la réunion des trois hommes et le la mise à profit de la cave de cette maison de campagne louée pour l’occasion, c’est-à-dire au milieu du film, l’intriguant Big Bad Wolves enchaîne toutes les fautes. Le programme s’annonçait potentiellement malsain, il ne heurte pas tellement à l’arrivée : il est surtout médiocre.
Il faut imaginer un Park Chan-Wood (Old Boy, Lady Vengeance) ramolli détourner les figures du conte pour enfant afin d’avoir une idée de ce qu’est Big Bad Wolves, puis surtout y ajouter une ironie, ou au moins un décalage constant. L’ingrédient principal pour amuser l’auditoire consiste à mettre toujours en travers de la séance de torture des interruptions pittoresques ; pile ou face, la pièce roule dans un coin obscur ; le geste pour lui briser les ongles est entamé et voilà qu’une mère juive passe son coup de fil.
La minuterie du gâteau est la gaudriole fatale. Big Bad n’ira chercher aucun axe de développement, celui des doutes du complice et de la nature de sa présence est balayé sinon pour un semblant de twist assez nain. Bien qu’elle s’ajoute à la liste de pauvres gags froids, l’incruste de papa saura vaguement relancer la machine au détour de quelques petits tics ubuesques. En dépit mais aussi grâce à leur fonction étriquée, papa et son fils sont des personnages forts réussis.
Et tandis qu’on patauge dans les processus convenus, un arabe à cheval déboule pour bien souligner l’ambition de Big Bad Wolves de se distinguer de ses congénères. Dans ce film israélien là, l’arabe ne sera ni agressif ni victime, juste une apparition saugrenue digne d’un Wes Anderson (Grand Budapest Hotel, La Famille Tenenbaum). À moins d’être extraordinairement réticent, on entendra le message, les intentions malines et grossières s’étendant donc également à la politique.
Le prix de cette joyeuse parabole est le flirt avec l’abjection. Pour mettre en relief l’exaltation polie de ces braves bonhommes absorbés par leur but malade, Keshales et Papushado sont complaisants et jouent de la distanciation. Mais il n’y a aucune consistance dans leur démonstration (d’une platitude égalant Cheap Thrills), pas forcément plus racoleuse que celle de The Tortured (petite série B montrant la vengeance de deux parents) mais autrement inadéquate. Big Bad Wolves est d’une maladresse pathétique, suscitant plutôt la circonspection et les regrets que le dérangement et la réflexion qu’elle cherche à provoquer sans savoir les soutenir. Tant qu’à la jubilation, elle l’anéanti à force d’immaturité.
https://zogarok.wordpress.com/2014/07/04/big-bad-wolves/