Est-il facile de croire en l’extraordinaire ?

Tim Burton nous plonge une nouvelle fois dans son monde si particulier, mélangeant l'imaginaire au réel, l’irrationnel au rationnel, abordant pour la première fois les relations entre pères et fils. Au revoir la galerie des horreurs et le glauque, bonjour la féérie, l’excentricité, le touchant, le fantastique haut en couleurs, et les personnages plus attachants les uns que les autres. Big Fish, ce chef d’œuvre dépassant tout ce que vous avez pu voir jusqu’à maintenant…


Un plaisir pour les yeux, les oreilles, et l’âme


Tim Burton optimiste…qui l’aurait cru ? Après avoir réalisé le remake de La planète des singes, le réalisateur s’attaque à une adaptation cinématographique du roman de Daniel Wallace « Big Fish: A Novel of Mythic Proportions ». Inspiré librement de cette œuvre, Big Fish, c’est une merveilleuse histoire invitant chaque spectateur à réfléchir sur l’importance des histoires de notre vie. L’histoire d’un fils voulant arriver à accepter son père. Approbation, tensions, acceptation, tolérance, amour paternel, inversion des personnalités parents/enfants, seront au menu. On estime souvent son père et/ou sa mère, mais un jour, ils nous déçoivent. Chaque enfant cherche un jour à s’éloigner de ce que représente son père et sa mère, c’est humain. Nous voulons tous suivre notre propre chemin. Sinon, on resterait toute notre vie chez nos parents. Bien qu’éloigné d’eux, arrive le jour où nous acceptons enfin ce qu’ils sont. Leurs qualités, leurs faiblesses et leurs défauts. Fragiles ou forts, menteurs ou non, extravagants ou introvertis. Ce thème est universel, de quoi toucher tout le monde.


Entre les faits réels et les versions plus romancées et extravagantes, le père de Tim Burton décédé en 2000 et sa mère en 2002 soit un an avant la signature du contrat du film, le réalisateur fait de Big Fish un hommage à ses parents, utilisant la thématique du père mourant et de la réconciliation avec son fils comme d’une source de thérapie.


Ainsi, nous passerons du rire aux larmes, captivés par un film poignant sur tous les plans. Les dialogues brillamment écrits inspirent, l’esthétisme travaillé au millimètre près fait rêver, les musiques enchantent, les personnages gagnent notre cœur. Quant à l’histoire, bien que longue, elle fascine de part tout son optimisme, sa légèreté et son originalité. Enlevez le coté politique et historique de Forrest Gump, puis transposez-le dans l’univers de Tim Burton, et vous obtenez Big Fish. Avec ce film, on se retrouve entre le réel et l’imaginaire. A travers ses scènes différentes les unes des autres, cette sorte de conte de fées se veut jouer avec plaisir avec le métaphorique.



Bon, mauvais, qu’importe. Montre-moi qui tu es, pour une fois.



Tim Burton : ce conteur


Je n’ai plus besoin de vous donner les raisons pour lesquelles Tim Burton est pour moi l’un des meilleurs réalisateurs américains de tous les temps et pourquoi à chaque film vu, je suis si émerveillé. Ici encore, avec Big Fish, on retrouve l’aspect fantastique qu’affectionne le réalisateur, tout en découvrant une autre facette du personnage. Cette fois, pas de fantômes, de démons et autres horreurs, bien qu’il subsistera quelques personnages fantastiques proches de l’horrifique. Difficile de trouver une catégorie définissant Big Fish. On ne peut le mettre dans aucun genre. Dans le scénario, Tim Burton arrive à mettre en image des sentiments difficiles à exprimer par des mots. La sensation lorsque l’on tombe amoureux par exemple. Le film le plus intime de Tim Burton.


Vous le verrez, la narration de Big Fish n’utilisera pas le format d’un flash-back classique. Le film abordera les souvenirs d’une façon plus réaliste. Ainsi, les évènements relatés seront sélectif, à la fois réels et irréels, créant leur propre réalité. Cette idée permettant de nous interroger. Qu’est ce qui est vrai ? Qu’est ce qui ne l’est pas ?


Dans n’importe quel film, la photographie, la musique, les décors, tous ces éléments sont importants puisqu’illustrant l’histoire, servant à nous émerveiller, de jouer avec nos émotions, de nous offrir des sensations. Beaucoup de lieux visités, beaucoup de personnages rencontrés, Big Fish c’est un voyage voyant son héros destiné à faire de grandes choses, content de ce qu’il a accompli et voulant partager avec les autres ses expériences.


Ewan McGregor interprète un homme formidable et noble. Un type bien aimant sa femme, aidant les gens. Ce qu’il fait à beau être légèrement exagéré, dépassant un peu la réalité, ce n’est pas un film fantastique. Toutes les histoires absurdes jamais violentes, jamais sanguinolentes, jamais effrayantes, contées par Edward en font un grand homme. Néanmoins, alors qu’Edward est aimé de tous, Will, son fils, est la seule personne qui pense différemment. De quoi avoir envie de le détester. Et pourtant…


Aux cotés d’Edward, nous visiterons de nombreux lieux surréalistes et oniriques peuplés de gens et d’évènements étranges:


La ville de Spectre, une ville où tout le monde est gentil, où l’on marche pieds nus sur de la pelouse verdoyante toute fraiche, mangeant des tartes, dansant et jouant de la musique,


Une vieille forêt hantée très Tim Burtonesque peuplée d’arbres menaçants et d’araignées sauteuses,


Le Calloway Circus, un cirque très visuel, très drôle, comme on l’aime. Des girafes, des lions, des éléphants, des clowns, des caniches en tutu, des faux géants, des jongleurs, des trapézistes, bref, le cirque dans toute sa splendeur MAIS made in Burton.



Ce soir là j’ai découvert que la plupart des êtres qu’on pense
méchants ou malfaisant sont tout simplement très seuls... Et manquent
de savoir vivre.



Une histoire sur l’importance des contes et des mythes


Big Fish possède une dimension humaine et réelle. D’une personne à une autre, on ne sait pas comment ça nous touchera mais ça nous touchera quoiqu’il en coute. Chaque film vu, chaque livre ou bande dessinée lue, toute notre exploration, réflexion sur différents thèmes et idées créatives, tout est basé sur l’importance des contes et des mythes. Il faut des histoires pour nous inspirer, nous aider à emprunter le bon chemin de la vie. Big Fish fait parti de ces histoires amenant à nous questionner sur notre vie.


Ce film est comme une mosaïque ou bien un puzzle. Rien ne sera confus, rien ne sera embrouillant. Pas de risques de se retrouver perdu au beau milieu de l’histoire. Tim Burton oblige, on connait le personnage. Il a ce sens du pathétique, de l’humour et de la fantaisie. Big Fish surprend à chaque fois, offrant à chacune de ses nouvelles séquences et passages d’un lieu à un autre, quelque chose de nouveau. Ca peut être un changement de décor, un autre style de mise en scène, ou bien encore un changement d’atmosphère. Une jolie illustration de ce que représentent pour beaucoup les histoires farfelues, exagérées et à dormir debout. Quand on parle de Tim Burton, on pense à tout ça. C’est son domaine.


Big Fish, c’est une pléiade d’acteurs et d’actrices qu’on aime plus que tout :


Ewan McGregor, fougueux, énergique, optimiste, respirant la joie de vivre avec son sourire éclatant et vrai, interprétant un personnage sociable dont les gens se prennent d’amitié pour lui, un battant débordant d’ambitions, réussissant toujours ce qu’il entreprend, acclamé par tous (on devrait avoir une journée Edward Bloom),


Albert Finney, cabotin, curieux, rêveur, grognon, enthousiaste, malicieux, un conteur invétéré,


Alison Lohman, angélique, adorable, donnant l’impression d’être d’une autre époque,


Marion Cotillard, douce, joyeuse, loin des interprétations médiocres de ces autres films,


Dany Devito, égal à lui-même, un superbe état d’esprit, élégant en Monsieur Loyal du cirque,


Matthew McGrory, imposant, terrifiant au premier abord et pourtant affable,


Jessica Lange, époustouflante de par sa gentillesse, sa sagesse, son sourire et son visage sensuel,


Billy Crudup, interprète Will, un fils paumé cherchant à savoir qui est vraiment son père. Toutes les histoires de ce dernier le frustrent, l’éloignent de la vérité. Bientôt père à son tour, ce personnage, sans pour autant savoir s’il sera lui-même un bon père, cherche à trouver la personnalité du sien. Will affronte le problème du mieux qu’il peut tout au long de notre histoire. Bien qu’agaçant à certain moment de par cette sensation d’avoir affaire à un homme froid, au cœur de pierre, rigide, intériorisant tout, on éprouve de l’empathie pour lui.


Helena Bonham Carter, touchante, attachante, terrifiante, malicieuse, réussissant à incarner 3 personnages à l’apparence différente comme une gentille sorcière à l’œil de verre permettant de vous montrer votre mort, ou bien encore une jeune femme vivant seule avec ses chats dans une maison tordue.


Que ce soit le couple McGregor/Lohman, Finney/Lange ou Crudup/Cotillard, les tandems fonctionnent à merveille. C’est pour cette raison qu’on est tant porté par l’histoire. Quant au jeu McGregor/Finney, on garde le même état d’esprit, la même créativité. Finney joue Mcgregor et inversement sans jamais imiter l’un ou l’autre. Brillant.



Vous ne vous êtes jamais dit que vous n'êtes pas trop grand mais que
c'est peut-être la ville qui est trop petite ?



Au final, Big Fish respire la gentillesse, la sincérité, la fantaisie, la poésie, et l’amour de son prochain. Servi par un casting de rêve, de dialogues et de musiques charmantes, ce petit chef d’œuvre inspirant signé Tim Burton est réalisé et interprété avec le cœur.

Jay77
10

Créée

le 29 oct. 2017

Critique lue 431 fois

Jay77

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