Bilal
Bilal

Documentaire de Sourav Sarangi (2008)

Bilal, regard sur une famille d'intouchables

Le Black Movie Festival, présenté chaque année en février à Genève, met en lumière le cinéma des oubliés et les documentaristes émergents du monde entier. C’est à l’occasion du Black Movie 2011 que j’ai eu la chance d’assister au beau documentaire intimiste qu’est Bilal.


Même si leur situation a évolué depuis l’Indépendance, leur permettant notamment l’accès au système éducatif, les intouchables demeurent une classe marquée par la pauvreté et une lutte amère pour leur survie. Le documentaire Bilal suit un enfant de Delhi pendant un an et nous parle de son quotidien avec une justesse attendrissante.


Bilal, un petit garçon de trois ans, vit dans un quartier sale et pauvre de Delhi, dans l’espace très restreint de son monde : une pièce étroite où il s’entasse avec son petit frère, sa grand-mère et ses parents, les quelques rues adjacentes où il joue avec d’autres enfants et les murs de son école. La caméra devient l’œil de l'enfant et, plus largement, un regard posé sur ses parents aveugles. Dans cette famille où les parents n’ont plus la vue, le documentaire s’ouvre sur l’installation d’un néon électrique et joue du début à la fin sur ce qui est vu et ne l’est pas, dans les dialogues « papa, regarde, un taxi » dit Bilal, plus tard « Où est-il tombé ? Là, à gauche du lit ». La caméra mise sur leurs sens : ils crient, se touchent, pleurent, rient, se tirent les cheveux. La pauvreté, la saleté et leur cécité n’empêchent jamais leur amour familial juste et tendre, filmé en presque huit-clos à partir de l’enfant. Le réalisateur, Sourav Sarangi, raconte d’ailleurs que c’est par un échange appuyé de regards dans un hôpital entre lui et Bilal qu’il a eu l'envie de faire ce film.


Certaines scènes du documentaires m'ont touchée, comme ce passage où la mère de Bilal explique qu’ils n’ont pas toujours vécu ainsi et qu’elle préfère aujourd’hui ne plus voir car il n’y a rien à voir dans une telle misère. Elle incite aussi son mari à reprendre le travail, et liste avec lui les différentes options qui s’offrent à eux.


Bilal ne juge pas, ne prend pas partie. Il dépeint, caméra à la main, avec simplicité et dans une belle intimité, une famille ordinaire d’intouchables indiens, luttant pour dépasser leur condition malgré les dettes qui les accablent, sans fatalité, avec un profond sens de la famille.
Un documentaire magique!

odreva
8
Écrit par

Créée

le 30 sept. 2018

Critique lue 144 fois

odreva

Écrit par

Critique lue 144 fois

Du même critique

Les Yeux sans visage
odreva
10

Entre réalisme scientifique et fiction sanglante

Un jeune chirurgien espagnol a réussi une sorte de miracle fin mars 2010 : greffer un visage humain. A l’heure de ces prouesses scientifiques bien réelles, j’aimerais revenir sur un film ô combien ...

le 31 août 2018

2 j'aime

Be Happy
odreva
10

Un condensé de vitamine C !

Nous avons tous un film à l’effet "vitamine C". Un coup de blues, et hop ! Un fil d’intrigue, un trait de personnalité, une morale réconfortante ou une scène impeccable nous redonne du baume au cœur...

le 18 sept. 2018

1 j'aime

7

Daddy Cool
odreva
8

Daddy cool : la bipolarité, prétexte à un superbe film sur la paternité

Cam est bipolaire : il est capable de coudre une robe de flamenco pour sa fille cadette en une nuit, tout autant que d’abandonner ses filles terrorisées dans l'appartement la nuit suivante. Cam est...

le 9 févr. 2019