Saxophoniste de génie immortalisé au Panthéon du Jazz avec son fameux surnom, Charlie "Bird" Parker était un drôle d'oiseau !
Cette appréciation un tantinet irrespectueuse renvoie à son style scénique, qui a beaucoup étonné. Mais aussi et surtout à son style de vie qui, lui, a beaucoup détonné. Le musicien a incontestablement flirté avec la perfection au niveau de son art. L'individu, au contraire, a dramatiquement épousé ces travers d'artiste : immaturité ; instinct suicidaire ; et surtout, toxicomanie.
Cette faramineuse dualité dans la personnalité de Charlie Parker, Clint Eastwood s'attache à la cerner tout au long de son film avec un titre minimaliste et une forte touche crépusculaire. Le fait qu'il s'équilibre entre dévotion et objectivité a séduit le jury du Festival de Cannes (Prix de la Commission supérieure technique et Prix d'interprétation masculine pour Forest Whitaker).
2 h 40 de belles et fortes images, avec lesquelles est donc cernée la pleine dimension artistique et humaine d'un musicien au talent aussi imposant que sa silhouette. Mais que la montée post-mortem de "L'oiseau rare" du Jazz au firmament des artistes noirs américains paraît dérisoire en comparaison avec la pitoyable descente aux enfers que ses démons intérieurs lui ont imposé de son vivant.
Mais, sans démons intérieurs dévorants, autodestructeurs, il n'y a sans doute pas d'artiste !
Charlie Parker, c'est une carrière trop vite interrompue, mais surtout une brève vie rimant avec gâchis sur le plan personnel. Car même si sa femme a fait preuve d'une rare compréhension amoureuse à son égard, c'est bien la drogue - héroïne - qui a été sa véritable et vénéneuse compagne dès l'adolescence. Ce qui donne au moins une séquence inoubliable. Quand le médecin légiste qui l'examine lui donne approximativement 65 ans et que la femme chez qui il a rendu l'âme se doit de rectifier : "Il avait 34 ans..." !
Dense avec toutefois quelques longueurs, prenant et dérangeant, le film de Clint Eastwood s'adresse à tous les passionnés de jazz - comme lui ! - et d'abord ceux qui connaissent tout Parker par coeur !
Les autres, eux, risquent de moins se piquer au jeu de l'overdose !
Mais film glorifiant à juste titre la mémoire de Charlie Parker, qui fut et demeure si saxo much !