A l'origine du cinéma, les historiens distinguent deux "courants" : d'un côté le réalisme des frères Lumière et de l'autre côté la magie de Méliès. Avec Bird People, Pascale Ferran remonte à la naissance du cinéma. Avec cette oeuvre folle et audacieuse, elle fait se marier à merveille ces deux courants et elle essaie également d'aller plus loin dans notre perception du cinéma.

Pascale Ferran fait ce que peu de cinéastes font de nos jours, elle livre un film très personnel, contemporain et elle accorde toute sa confiance à l'imaginaire du spectateur, elle espère, elle fait le pari que ce dernier suivra son aventure, qu'il se laissera tomber dans le vide avec le moineau et que lui aussi acceptera de passer du réel à l'onirique. Cette idée bête et simple mais qui ne l'a pas déjà pensé, déjà imaginé ? Assis sur une chaise dans une classe lors d'un cours ennuyant, qui n'a pas regardé par la fenêtre et rêvé, là, d'être un oiseau et de s'envoler loin. C'est d'ailleurs une réplique de Forrest Gump "Mon Dieu, faites moi un oiseau que je puisse m'envoler, loin, loin d'ici."

Pascale Ferran essaie de nous faire retrouver notre âme d'enfant, elle cherche à raviver en nous de puissants souvenirs de vie, des souvenirs simples mais qui comptent, elle cherche à nous déconnecter pour mieux nous connecter aux émotions de la vie. Et le pari n'est pas gagné car le film se passe continuellement dans le décor le plus impersonnel et froid qui soit. Un hôtel et un aéroport, un lieu de passages où le contact humain n'est rien, ce sont des vies qui se croisent continuellement, les oreillettes en plus et le téléphone portable vissé dans la main. Des milliers de gens connectés avec des gens à l'autre bout du monde mais totalement aveugle à celui ou celle qui marchent à côté d'eux.

La fragilité du film est peut-être, à long terme, le lien très fort qu'il entretient avec son présent. Qui peut dire si dans vingt ans le film aura toujours autant d'impact sur celui qui le regarde ? Mais aujourd'hui, Pascale Ferran est terriblement à l'heure et elle parle de nous et nous parle à nous, dans le creux de l'oreille.

Bird People pourrait se résumer à une fenêtre qu'on ne peut ouvrir que de quelques misérables centimètres. On aimerait respirer, voir le monde, mais une force extérieure, le monde nous en empêche. Pas de liberté, seulement l'apparence d'être libre. Alors il faudrait se transformer en quelque chose de plus petit pour pouvoir passer et s'échapper. Il faudrait être autre chose qu'un homme pour se regarder différemment et avoir un tout autre point de vue sur le monde. Changer de perspective, c'est là le but de Pascale Ferran, voler au dessus de tous et puis s'approcher au plus près de chacun, presque rentrer dans les pores de la peau, passer de l'immense, de l'infini à l'intime. Apprendre, se risquer à connaître l'autre et ne pas simplement aller et venir dans les conventions que la société impose à chacun.
busterlewis
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le 26 juil. 2014

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