Birdman (2014)
Riggan Thomson, ancienne star hollywoodienne sous les traits du super-héros Birdman, va essayer de relancer sa carrière en misant tout sur sa pièce de théâtre à Broadway.
Réalisé par : Alejandro Gonzalez Inarritu
Écrit par : Alejandro Gonzalez Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris, Armando Bo
Avec : Michael Keaton, Edward Norton et Emma Stone
Kirk Douglas a écrit une chose dans son autobiographie Le Fils du chiffonnier :
“Etre acteur c’est apprendre à ne pas être aimé”
Dans la vie, on réalise des projets pour satisfaire notre ego mais aussi pour nous donner du sens, avoir cette étrange sensation de combler un vide, d’aller quelque part.
Le métier d’acteur répond parfaitement à cette logique égocentrique en étant à la fois un métier terriblement paradoxal. D’un côté, on donne de sa personne pour faire naître des émotions chez le spectateur (volonté tournée vers l’autre) mais d’un autre, on fait cela pour satisfaire notre volonté de briller, d’être reconnu et applaudi (volonté tournée vers soi). Notre bonheur devient alors très vite dépendant du regard des autres. Or le regard des autres est une donnée qui, on le sait, n’est pas stable, pas homogène. Donc baser son bonheur sur une donnée aussi instable que le regard des autres est dangereux.
“On ne peut pas plaire à tout le monde”
Cette rapide démonstration permet d’expliquer pourquoi une star hollywoodienne qui possède un 2500m² à Palm Springs, une piscine chauffée, des enfants parfaitement coiffés, une femme magnifique et 4 servantes, se drogue.
Jouer un rôle et dépendre des autres en permanence pour être épanouie est une configuration idéale pour ne pas se trouver soi-même.
Kirk Douglas, toujours dans son autobiographie, explique qu’il était tellement possédé par son rôle de Van Gogh qu’il ne savait plus qui il était. Parfois, il était même persuadé que Vincent Van Gogh c’était lui. Il mit plusieurs mois, avec l’aide de sa femme, à se remettre de ce rôle. Des histoires similaires il y en a à la pelle, allait voir du côté de l’Actor Studio vous ne serez pas déçu.
Cette quête d’identité chez l’acteur est selon moi le sujet principal de l’excellent film Birdman qui au-delà d’être une prouesse technique (plans-séquences) arrive parfaitement à mettre en scène les psychoses du milieu artistique.
Mais alors peut-on être un artiste et allait bien ? Est-il possible d’être à la fois artiste et heureux ? Et si oui, comment faire ? Sur quoi baser ce bonheur ?
Evidemment qu’il est possible d’être un artiste et d’aller bien. Il faut juste apprendre à se connaître, à découvrir son fonctionnement intérieur. De là, on peut faire la part des choses et tout doucement identifier ses priorités. Ce cheminement permet peu à peu de s’émanciper du jugement néfaste des autres.
Si autant d’artistes vont mal c’est parce que, je pense, que ce sont des gens qui avaient à l’intérieur d’eux-même des gros manques à combler (d’où leur besoin de créer, de s’exprimer) qu’il ne connaissait pas véritablement. Cela crée un déséquilibre émotionnel qui après pousse dans le terrible triptyque : drogue, sexe, alcool qui parfois peut devenir un quadriptyque avec la mort.
Alors comment éviter cela ?
Socrate avait déjà la réponse : “Connais toi toi-même”
Apprendre à connaître son esprit, son fort intérieur permet de ne plus être autant affecté par le regard des autres. Une fois libéré, on peut enfin baser son bonheur sur une volonté profonde et émancipée de tout jugement.
Alors oui, toutes nos actions ont une motivation plus ou moins égocentrique mais là n’est pas le sujet. L’important c’est ce vers quoi cet égocentrisme est tourné. De plus, j’ai foie en la nature humaine et je pense qu’à certains moments de la vie l’égocentrisme s’efface pour laisser la place à des moments de grâce.
Birdman est un film magnifique qui met en images le pouvoir néfaste de l’ego sur une carrière, une vie de famille, en somme sur son bonheur.