« Birdman ou la surprenante vertu de l’ignorance », tel est le titre complet de ce film ô combien couvert de louanges, véritable roi de la 87e cérémonie des Oscars. Après quelques soucis d’ordre technique, je peux enfin mettre en page mon retour sur ce phénomène cinématographique, même si cela fait déjà quatre semaines que j’ai pu aller m’en rendre compte directement. Birdman mérite-t-il l’aura dont il bénéficie, et toutes les récompenses qu’il a accumulées ?


« How did we end up here ? This place smells like balls. » C’est ainsi que débute la bande-annonce de Birdman, et, à peu de choses près, le film lui-même. Riggan Thompson (incarné par Michael Keaton) est une ancienne gloire du cinéma, qui a vécu ses plus belles heures dans le rôle de Birdman, super-héros des années 80/90. Mais toute bonne chose a une fin, et Riggan est bien loin de rouler sur l’or. Divorcé, fauché, il vit dans un appartement minuscule, dans un théâtre new yorkais. C’est d’ailleurs au théâtre qu’il souhaite trouver la rédemption et renouer avec le succès, en basculant du septième art aux planches de Broadway.


Ce film est déconcertant, et ce à bien des égards. C’est pour cela que ce petit retour sur Birdman aura surtout l’allure d’un « Guide pour aller voir le film dans les meilleures conditions ». En effet, plus on avance dans l’histoire, plus le film ne cesse de nous surprendre. Est-ce un compliment ? Je dirais « presque ». Birdman est à l’image de ce qu’il veut représenter, c’est-à-dire un véritable fouillis artistique qui, pourtant, ne manque pas de précision. Véritable paradoxe cinématographique, Birdman a, sans doute, déçu plus d’un spectateur qui, après avoir entendu moult compliments à son égard, se sont retrouvés désarçonnés à la sortie de la séance. Pour être franc, ce fut également mon cas, mais il serait trop simple de dire de Birdman qu’il est juste « bien » ou juste « nul ». C’est plus compliqué que ça.


Je m’explique. Le premier piège se situe dans la bande-annonce. Je sais que je répète toujours qu’il vaut mieux éviter de la regarder avant d’aller voir un film, mais dans ce cas précis, il a été assez compliqué de passer outre. De plus, même si je les critique souvent, les bande-annonce ont pour mérite de guider le spectateur vers les salles obscures en vendant le scénario et les atouts d’un film. C’est donc un moyen assez incontournable de se faire une idée d’un film avant d’aller le voir. Si l’on prend la bande-annonce de Birdman seule, celle-ci nous suggère un film basé, avant tout, sur la volonté d’un acteur autrefois reconnu, de retrouver sa gloire passée en luttant contre les démons du passés et les obstacles qui vont se dresser sur son chemin. De plus, le titre « Birdman » fait directement allusion au personnage incarné par Riggan Thompson dans le passé, et nous fait donc légitimement croire à une intrigue focalisée sur ces éléments.


Que nenni chers amis ! Vous vous fourrez le doigt dans l’œil, mais ne vous inquiétez pas, ce fut aussi mon cas, ainsi que de bien autres infortunés spectateurs. En réalité, la thématique ici traitée est la reconversion de Riggan Thompson, et les difficultés rencontrées par les acteurs de théâtre dans leur quête de notoriété sur les planches de Broadway, ce qui est quand même autre chose. Le personnage de Birdman, quant à lui, est beaucoup moins présent que l’on ne pourrait imaginer, et incarne surtout une partie de la conscience de Thompson, qui lui répète sans cesse qu’il fut à une époque un acteur reconnu et riche, et que pour ça il ne doit pas se résigner à sa petite condition et à abandonner tout espoir.


Cela permet de revenir à ce que je disais sur l’aspect de « fouillis artistique » qu’Iñarritu donne à son film. En effet, la vie de Thompson est semée d’embûches, comme la vie des autres acteurs qu’il rencontre, et le réalisateur a été intraitable quant au rendu donné, en soignant les détails afin que, même si l’œil du spectateur n’est pas forcément averti, la réalisation dirigée par Iñarritu nous fasse vraiment vivre la vie des protagonistes. Pour ce faire, il a notamment choisi de filmer Birdman sous la forme d’un vaste plan-séquence, permettant de passer de scène en scène sans ressentir le moindre effet de coupure. Ainsi, par exemple, les scènes de préparation de Thompson permettent de le voir dans son appartement, et de le voir se diriger progressivement vers les coulisses voisins, puis la scène. L’effet produit est assez saisissant et nous plonge littéralement dans les coulisses du théâtre (avec, par exemple, les équipes techniques qui se préparent comme dans une fourmilière) tout en étant captés par le rythme du film qui ne permet pas de s’ennuyer.


En définitive, Birdman a surtout pour ambition de dévoiler les coulisses de Broadway, et de traiter de la ténacité et la capacité à se battre pour relever des défis et réaliser ses rêves.


Voilà pourquoi j’insiste sur le fait que l’on ne peut pas dire de ce film qu’il est juste « bien » ou « mauvais », car il est lui-même difficile à saisir et peut rapidement rebuter, tout comme il peut subjuguer. Il s’agit, en réalité, typiquement du film que l’on adore, ou qui laisse un goût amer. Pour ma part, il ne m’a pas transcendé sur le coup, et je pense qu’un second visionnage ne m’aurait pas fait de mal car, avec du recul, on discerne mieux les éléments que l’on a pu manquer au premier.


Birdman est un film exigeant qui plaira avant tout aux spectateurs avertis, qui sauront mieux apprécier les prouesses techniques réalisées dans ce film, et seront donc plus sensibles aux subtilités qu’il renferme. Le plus important dans Birdman, c’est de savoir où l’on va, c’est-à-dire en n’interprétant pas la bande-annonce comme je l’ai fait à la base, car le risque est de ne pas comprendre où l’on va, or le film va bien quelque part, mais on a en réalité pris le mauvais chemin. Dans tous les cas, le film reste tout de même très accessible, guidé par un casting de choix mené par un Michael Keaton au faîte de son art (et ça me fait plaisir de le revoir !), et accompagné d’une réalisation originale qui donne un véritable sens à son film.


Mes yeux n’étaient probablement pas assez avertis pour apprécier ce film à sa juste valeur, mais je n’ai pas été foncièrement déçu pour autant. Je me dis que, finalement, c’est peut-être nous qui sommes concernés par « la surprenante vertu de l’ignorance » ?


Retrouvez la critique sur http://alarencontreduseptiemeart.com/birdman/

Créée

le 31 mars 2015

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