Réjouissant mais boursouflé
[...] Assez corrosif, putassier et assumé, le réalisateur nous emmène rapidement dans les méandres de ce théâtre labyrinthique d’où ressortent de temps à autre des scènes de vie multiples. La caméra ne cesse de filmer, et à travers ce plan séquence, la plupart des questions sont déjà mises en place, entre le héros névrosé subissant le poids du succès, sa fille, ancienne camée qui tente de trouver une voix et le reste du casting perdu entre leur rôle de composition et leur vie réelle. Seulement voilà, Birdman laisse sans cesse un sentiment pataud, une lourdeur formelle qu’on arrive à distinguer qu’après avoir vu le film dans son ensemble tant le rythme insoutenable du long-métrage nous empêche réellement de réfléchir. Loin de l’aspect général du film, Inárritu ne parvient jamais à nous réjouir réellement, à part lors de quelques fulgurances, embourbé dans une structure scénaristique des plus banales et riche en lieux communs. Si les seconds rôles, Edward Norton et Emma Stone en tête sont absolument jouissifs, il en est tout autrement lorsque Michael Keaton reprend les devants, comme si l’acteur était empêtré dans une figure double, entre la volonté de faire oublier l’acteur qu’il était ainsi que son rôle de Batman, et l’acteur qu’il joue pour de faux, dans la même situation avec Birdman. Ce n’est que lors de quelques monologues qu’il prend véritablement forme, quand il oublie complètement sa figure d’acteur que celui-ci nous prend aux tripes.
Il résulte de Birdman un film extrêmement ambitieux, et finalement très honnête dans sa démarche et son questionnement sur le rapport du public avec l’acteur, mais qui manque réellement de liant, de verve. Si le rythme tout en plan séquence du film lui donne une vitalité très appréciable, Inárritu semble, comme Alfonso Cuarón avec son Gravity, obnubilé par la forme plutôt que par le fond, pensant qu’en se focalisant sur l’image, le reste suivra. Et malgré des dialogues parfois très bien écrits, et quelques piques – faciles – bien senties envers le monde d’Hollywood ainsi que le spectateur, Birdman reste une déception dans son incapacité à creuser ses sujets de fonds, tous survolés. On oserait même dire que le film relève presque de l’esbroufe, boursouflé et quelque peu indigeste. Reste malgré tout un film assez neuf, à la photographie sublime et teintée de couleurs, mais qui face à un Sils Maria ayant déjà creusé le monde du show-biz, se trouve forcément incapable de faire le poids.