"Pourquoi n'ai-je aucune estime de moi?" - " Chérie, tu es une actrice..."
Après l'excellent Babel, qui disséquait l'effet de la communication et son absence sur les êtres, Inarritu nous propose aujourd'hui Birdman, dans une pluie d'Oscars.
Le film colle littéralement au visage de Riggan Thomson (Michael Keaton), ancienne star hollywoodienne de blockbuster super-héroïque (le fameux "Birdman" donc) qui s'est donné comme mission de monter sur les planches de Broadway dans une pièce qu'il adapte et mets en scène, à 2 jours de la première représentation. L'arrivée d'un nouveau comédien, incarné par Edward Norton, va bousculer tous ses plans.
Beaucoup parle avant tout de l'incroyable (faux) plan-séquence mit en place par Inarritu, et c'est vrai que c'est assez brillant, sans parler de l'intégration de la bande sonore à la mise en scène elle-même. Mais Birdman est bien plus que ca: c'est une mise à nue des comédiens et de leurs névroses; une opposition fondamentale entre l'Art, austère et élitiste, et le divertissement, populaire et hautement rémunérateur; la représentation de la recherche de reconnaissance d'un homme, pour nourrir un ego insatiable et terrorisé par l'oubli.
Pas étonnant que ce film ait donc touché Hollywood, tellement ces personnages, certes caricaturaux pour la plupart, ressemblent à leurs vies (ou en tout cas, celle que leur imagine le spectateur). D'ailleurs Birdman regorge de name-dropping afin de s'ancrer dans la réalité.
L'histoire nous tient en haleine de bout en bout, avec quelques rebondissement parsemant la vie compliquée de la galerie de personnages tournant autour de Riggan. Malgré tout, quelques scènes semblent un peu gratuites (deux actrices en larmes doivent *forcément* coucher ensemble, c'est Broadway ici, ne soit pas prude...). Les acteurs sont fabuleux, avec en tête bien entendu Keaton, dont tout le monde aura relevé l'étonnante similarité du parcours de sa carrière et celle de son personnage. Mais il ne faut pas oublier non plus E. Norton, fameux en Don Quichote de la Vérité dans l'Art, et pourtant sombre connard hors des planches; ni la toujours craquante Emma Stone, en fille paumée en recherche d'attention paternelle.
Inarritu pose enfin cette question: à quoi ceux qui se prétendent "artistes" sont près pour nourrir cette bête insatiable qu'est le public?