Keaton qui détonne sans en faire des tonnes...
Le cinéma nous réserve parfois de petites surprises. Il est vrai qu'au vu de la bande-annonce de Birdman, je m'attendais à un film plutôt atypique, un peu "perché", comme on dit, nous, les jeunes d'aujourd'hui. Il se trouve que le penchant bizarre de ce métrage réside plus dans sa mise en scène que dans son propos.
Car oui, le propos est finalement banal, quand on y pense. L'histoire d'un type qui brillait autrefois et qui, maintenant qu'il a vieilli, cherche à retrouver sa gloire d'antan en montant une pièce. Les Feux de la Rampe (Limelignt, pour les anglophiles - et ils ont raison, soulignons le) traite exactement du même sujet, et on y retrouve beaucoup de similitudes, sans aller jusqu'à mettre les deux films au même niveau (sacrilège, vous en conviendrez). On pourrait aussi évoquer Eve (All about Eve, pour les anglophiles également), un peu plus éloigné, mais tout de même assez proche (ohlala, cette phrase n'a pas de sens). Tout ça pour dire que Birdman (Birdman, prononcez avec l'accent) n'est pas le premier, ne sera pas le dernier, et ne sera pas le meilleur film à parler de gloire déchue.
Le petit côté original de Birdman, réside plutôt dans sa réalisation. Tout n'est que frénésie. Le spectateur est plongé dans la tête du héros, incarné par Keaton (pas Buster, l'autre). Un protagoniste un peu fou, qui entend des voix dans sa tête et qui regrette le moment où il incarnait Birdman au début des année 90. Tiens, c'est marrant. Birdman, Batman, à la même période. Keaton (non, toujours pas Buster, Batman n'existait même pas, tas d'incultes) n'a pas eu droit à beaucoup de grands rôles depuis. Coïncidence, pur hasard ou simple coup de chance? La réponse D, je dirais. Oh, c'est marrant, ça me rappelle encore ce film de Chaplin cité plus haut, vous savez, celui où il fait aussi jouer Keaton (bien sûr que je parle de Buster, l'autre n'était encore qu'un bambin). Chaplin qui joue presque son propre rôle, ça ressemble pas un peu à Keaton (mais non, pas Buster, suivez donc un peu!) qui joue presque son propre rôle? Je dirais que oui, si l'on oublie le fait que Chaplin ne ressemble pas à Keaton (là c'est au choix, il ne ressemble à aucun des deux).
Je reviens à mes moutons : parlons réalisation. Tout le film est filmé en plans séquences. Bien sûr, Inárritu triche à la manière d'Hitchcock dans The Rope (La Corde, pour les francophiles). Le résultat, c'est cette atmosphère terriblement dynamique dans laquelle on est plongé. Ça bouge tout le temps, sans pour autant donner la nausée (coucou, Louis Letterier! coucou aussi, Kathryn Bigelow!). C'est fluide, et l'apport est réel. Cette ambiance pleine de frénésie est renforcée par le bande originale essentiellement composée de percussions, ça donne un côté un peu fou et tant mieux, puisque c'est un film lui même un peu fou. Tout comme notre protagoniste.
Sans en avoir la même saveur, Birdman m'a vaguement rappelé Brazil : contraste entre le comique dans la narration et la tragédie de la situation, ambiance faussement lourde, narration légère, la sensation du temps qui passe mise à l'épreuve, de l'évasion par le rêve... Bon je vais arrêter là pour les références, ça finira par passer pour de la frime à force, ce qui ne fonctionnerait pas vraiment sur ce site...
Oh, notons au passage un petit moment de où l'on descend le blockbuster hollywoodien moyen, je dois avouer que j'ai trouvé ça gratuit et assez jouissif...
Question défaut, je dois avouer que je n'en trouve que peu... à mon avis, la seule chose qui pourrait vraiment déplaire, c'est le côté un peu surréaliste du film, le fait d'être plongé dans la tête d'un homme à moitié fou et à moitié frustré. Je suis personnellement assez friand de ce genre de bizarreries, si elles sont bien menées. Il se trouve que c'est le cas.
A vrai dire, j'ai hésité à noter le film un point en dessous. Et puis quand même, rien que pour le plaisir de voir Michael Keaton se balader en slip un soir en plein Broadway, Birdman mérite bien son petit point en plus...