Je sors à peine de la projection de Birdman et je ne sais quoi penser. Car c'est la première fois que je ressens autant de sentiments contraires. La forme du long métrage adoptée par Inárritu transporte le spectateur, même si les raccords de ce faux long plan séquence sont parfois assez évidents. La fluidité de l'intrigue et l'absence du moindre temps mort font que les deux heures passent comme un souffle et au plus près des personnages grâce à la mise en scène astucieuse. Chaque acteur livre une prestation remarquable, Michael Keaton et Edward Norton en tête, donnant chair aux personnages excessifs qu'ils interprètent. La mise en abîme de la vie de Michael Keaton et de son personnage via la pièce de théâtre qu'il essaie de monter et les apparitions de son rôle phare captivent et intriguent, dessinant un artiste schizophrène qui est finalement passé à côté de sa propre vie. Tout cela fait de Birdman un film à conseiller et à ne pas rater.
Cependant, si la virtuosité déployée par Inárritu séduit, son discours sous-jacent m'a dérangé, voire énervé dans ses prises de positions les plus marquées. On sent par exemple le réalisateur assez aigri par le paysage hollywoodien actuel, plus particulièrement par la prise de pouvoir des geeks et la vague de films de super héros qui déferle et braque systématiquement les dollars du box office. Passe encore que ces films soient traités de merdes commerciales, chacun ses opinions, aussi simplistes soient-elles, mais adresser un doigt d'honneur naïf aux gens qui vont voir ce type de spectacle est assez hypocrite, surtout que, même s'il n'a pas l'air d'y toucher, celui-ci en reprend pas mal de codes. Inárritu s'érige ainsi lui-même en mètre étalon d'un certain bon goût et en cinéaste qui s'adresse aux élites et non aux "gamers boutonneux". Merci pour moi au passage.
Un tel manque de respect du public en général laisse parfois pantois. Mais où il laisse sans voix, c'est dans son attaque, toujours candide et naïve, de la critique, alors qu'il en est pourtant l'un des enfants chéris. Quand Inárritu se met à mordre la main qui le caresse, toujours dans le sens du poil, cette prise de position énerve en reprenant alors à son compte les arguments moisis d'une certaine presse bien pensante de gauche irréductible et arty quant à leur conception de ce qui est artistique et pur d'un côté, commercial, merdique et vain qui attire les foules de l'autre.
On sent tout au long du film l'égo du réalisateur s'exprimer, voire hurler un geignard "Moi aussi je veux mon Oscar !". Ego démesuré à l'image de celui de beaucoup de ses personnages qui s'entrechoquent dans des oppositions homériques (Keaton contre Norton en tête).
Tout aussi virtuose qu'à côté de la plaque dans son aspect critique, aussi ensorcelant dans sa réalisation qu'énervant et péremptoire dans son discours hautain, condescendant et pseudo élitiste, Birdman est à l'image de son personnage principal, un film schizophrène, excellent mais parfois vain.
Pour le 8, cela doit être parce que je suis un peu suis sado-maso sur les bords et que j'aime bien me faire traiter de gamer boutonneux. Vivement Avengers : L'Ere d'Ultron, tiens, que je puisse soigner mon acné. Car voyez-vous, le Biactol, c'est dépassé...