Je n'ai aucune haine ni envers Inarritu (dont je n'ai vu aucun autre film), ni envers Birdman (ça lui donnerai beaucoup trop d'importance), simplement, si j'ai été aussi sévère, c'est que pour moi ce film n'a rien de "cinématographique".
C'est pour moi plus un happening, une performance. Hormis le fait que le plan-séquence est un faux, je trouve ce parti-pris totalement inutile et détestable. J'aime le plan-séquence au cinéma, mais c'est quelque chose d'assez délicat qu'il faut savoir utiliser. Le problème n'est pas la technique, le problème c'est que la forme écrase ses personnages. Chez Bela Tarr, par exemple, le plan-séquence est utilisé pour capter le temps et le mouvement du monde, un mouvement universel. On est loin de ça ici, car comme jamais la caméra ne coupe, son usage ne veut rien dire, n'a ni queue ni tête. Le plus terrible est que ce parti-pris ne cache aucune idée de mise en scène ! Rien, zéro ! La folie du projet est totalement scénaristique, tout déraillement est calculé, lourd. Chez Bela Tarr encore une fois, le plan-séquence et le montage avec les autres plans-séquences permettent que quelque chose excède le plan, que quelque chose de la vie rentre dans le film. Ici, tout est clos. Ce n'est que du scénario filmé. C'est quand même con de faire un plan-séquence de deux heures pour simplement filmer un script ! C'est du cache-misère. Ou de la vanité...
Le film échoue aussi cruellement à travailler l'espace et le temps : comme il n'y a ni montage, ni raccord, on ne peut saisir l'espace qui nous est donné à voir. Puisque tout est filmé en continu, jamais on n'a le temps de s'arrêter sur ce qu'on nous montre. On ne sait jamais où on est, et on s'en fout. Le film ne propose rien. Il ne donne à voir que sa virtuosité. Les personnages sont creux, l'espace n'est pas travaillé, il n'y a rien.
Je trouve donc ce parti-pris totalement creux, surfait. Le film devient vite hystérique, insupportable. Sans compter ce cynisme qui déborde de partout, ce cynisme qui est l'ennemi du cinéma. Inarritu regarde plus sa caméra que ce qu'il a devant lui. Ce qu'il n'a manifestement pas compris, c'est que mettre en scène, ce n'est rien de plus que regarder ses acteurs et l'espace investi. Birdman échoue donc tout ce qu'il tente : tant d'un point de vue technique, que scénaristique.
A mon avis, ce film ne marquera pas. Il est comme un feu d’artifice : tout le monde s'extasie sur les couleurs et la virtuosité débordante, mais les étoiles disparaissent très vite dans le ciel. C'est d'autant plus drôle que le film, à chaque plan nous hurle toujours au visage de manière insupportable à quel point il veut marquer, à quel point il est exceptionnel. Birdman est donc un film-système par excellence, servi par une fausse bonne idée, qui devine le cynisme d'un Auteur avec un grand A (les ambitions métaphysiques du gars sont à pisser de rire), et qui n'est jamais foutu de savoir regarder ses personnages, occupé à constamment chercher à épater. Voilà pourquoi, pour moi, ce n'est ni un bon film, ni un film tout court.