Birdman, ou le titre d’un énième film de super-héros produit par Marvel ? Titre accrocheur pour une nouvelle génération de spectateurs qui aime se perdre dans son idéalisation d’une génération d’acteurs voués à endosser capes et armures pour survivre. Ces acteurs brillent au cœur d’un cinéma qui ne jure plus que par le succès de ses grosses productions.
« Popularity is the slutty little cousin of prestige. »
Aujourd’hui, tenir un rôle de super-héros est un véritable tremplin vers le succès, aussi éphémère soit-il. Véritable mise en abyme du cinéma actuel, Birdman dépeint avec un regard tant critique que satirique le nouvel Hollywood, l’Eldorado de la popularité. Et le choix d’Alejandro González Iñárritu de prendre Michael Keaton comme premier rôle est lourd de sens. De Batman, il devient Birdman, et de star planétaire il devient acteur de « seconde-zone ». Icare de notre temps, Riggan, à l’instar de celui qui l’incarne, a vu ses ailes fondre à mesure qu’il avançait vers le succès. Que lui reste-t’il alors ? Notre génération lui répondra qu’un slip sur Youtube et qu’une balle dans le nez seront suffisants. Mais Riggan cherche-t’il seulement à renouer avec son succès d’antan ? Il semble avoir fait une croix sur Birdman, bien que ce dernier, véritable représentation de l’ego surdimensionné de Riggan, reste ancré dans la tête de ce dernier et le rappelle sans cesse à lui. L’appel du succès est-il plus fort que la volonté de Riggan, la volonté d’être enfin reconnu pour ce qu’il est, un acteur et non un unique rôle ? Riggan veut dépasser cet homme-oiseau qui lui donne des ailes factices et le coupe du monde réel.
« I’m nothing. I’m not even here. »
Mais ce qui fait aujourd’hui frémir les foules dans les salles de cinéma ce n’est plus la performance, mais bien l’apparition d’un nouveau super-héros tout droit sorti de la page 37 du numéro 658 édition limitée d’un quelconque Comics. Pourtant Riggan croit en sa Reconquista de la gloire perdue, et c’est la fleur au fusil qu’il se lance à l’assaut d’un lieu où il pense que le jeu a encore sa place : Broadway. Il est prêt à y prendre son envol, à surclasser Birdman. Mais le théâtre demeure un parent du cinéma, un parent bien plus exigeant qui plus est, une représentation étant un acte de foi unique, et presque désespéré dans le cas de Riggan. Entre désillusion et ignorance, ce dernier se perd dans un monde qui le dépasse, un monde qui défile bien plus vite que l’exceptionnel -faux- plan-séquence d’Iñárritu. Riggan prend alors conscience qu’il n’est qu’une gloire du passé, que la foule n’acclamait que Birdman, et non l’homme qui se trouvait à l’intérieur du costume, un costume qui a fait de lui son prisonnier.
« Bye-bye. And fuck you. »
Birdman est un véritable « MERDE ! » au cinéma hollywoodien actuel, mais aussi à tout ce qui gravite autour, de l’hypocrisie des médias jusqu’à l’aigreur des critiques frustrés. Mike (Edward Norton), qui donne la réplique à Riggan, dit n’être lui-même que lorsqu’il est sur scène, comme si la véritable vie était devant une caméra, sur des planches, et non dans un rôle de père, d’acteur, ou de star. Alors Riggan lâche prise, il étend ses ailes et prend son envol, se détachant de sa vie pour devenir celui qu’il est vraiment. Lui qui cherchait le succès, à renouer avec la gloire, prend conscience que c’est pourtant ce même succès, qu’il obtient finalement, qui le dégoûte désormais, et c’est donc à ce dernier qu’il dit : « MERDE ! ».