Birdman, ou pourquoi il est important de ne pas s'envoler juste pour être vu

Ce film m'aura au moins fait voir quelque chose d'inédit : une panne d'électricité au Pathé Wepler à minuit. Ça la fout mal.
Donc visionnage de la fin le temps de rentrer chez moi. Et je n'ai eu absolument aucun problème à le revoir quelques semaines plus tard.


Parlons évidemment de ce qui fera flipper tous les monteurs du monde : cet énorme (faux) plan séquence dont consiste la quasi-intégralité du film. On savait Emmanuel Lubezki, chef opérateur du film, friand et maitre dans cet art (les deux plans séquences de "Les Fils de l'Homme" me donnent encore des frissons), mais il repousse là toutes ses limites du style.
Les plus grincheux diront que c'est puéril, les plus enthousiastes que c'est magnifique. Et c'est vrai que ça l'est. Ça fait même passer le film à toute vitesse, gardant nos sens en alerte de peur de nous faire surprendre par ce film sans interruption. Mais ce serait également puéril, si ce n'était que magnifique.


Le procédé a bien un propos. Plus de limite, plus de séparation entre théâtre et cinéma, entre jouer et vivre, entre metteur en scène et spectateur. On le voit, que ce soit à travers ce film sans coupure, cette musique frénétique que l'on nous croit réservée, et que l'on croise finalement au détour d'un couloir, ou ce personnage qui devient littéralement son rôle de super-héros.
À partir de ce constat, le film nous propose toute une série de réflexions sur l'art, et notamment la place de l'artiste par rapport à son public. Dans un monde de plus en plus expéditif et puéril (tout le discours sur les réseaux sociaux), la reconnaissance de masse est-elle gage de talent ? Ou doit-on, pour se prouver apte à créer, plaire à une élite de critique qui rejette ce divertissement populaire ?


Au final, ce qui semble réellement importer, est ce moment où l'idée jaillit, telle la comète traversant le ciel du début du film. Se tenir à cette idée personnelle, éviter toute influence, pour pouvoir incarner soi-même cette idée, tel Keaton volant sous les yeux de sa fille.


Voler comme l'idée qui jaillit, accepter de se livrer à travers son oeuvre.
Voler comme ce symbole du divertisemment de masse, accepter que l'art est avant tout un divertissement.


Alors certes, ce film est d'une prétention sans nom. Un cinéaste qui parle de mise en scène, des acteurs qui jouent des acteurs, une ambition photographique démesurée... Doit-on en faire un mauvais film pour autant ?
Certes, le personnage de la critique est insupportable de grossièreté de caractère. Mais elle n'est là que pour servir le propos que dans le jeu de l'action et de la vérité, la vérité est toujours intéressante, mais également facile, et sans imagination. C'est en agissant que le personnage trouve son salut. Après s'être cherché dans les couloirs du théâtre, il crée son oeuvre, et ce n'est seulement qu'après avoir tiré sur son public qu'il pourra livrer quelque chose de réellement personnel.


Ce film est une ode au livrement de soi dans son art.

Mayeul-TheLink
9
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le 8 avr. 2015

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Mayeul TheLink

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