Birdman par Lucas Perrier
Retour gagnant pour Alejandro González Iñárritu puisqu'en plus d'être le gagnant de la soirée des Oscars 2015, avec les statuettes de Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Scénario notamment, il se voit aussi auréoler d'un bon démarrage au box-office français grâce à l'effet post-Oscars, le film étant sorti en France trois jours après.
Iñárritu décide de mettre en scène un type, Riggan Thomson, ex-star du box-office hollywoodien en ayant tourné dans trois gros films d'un super héros bien connu de tous, et qui devint fauché et fiché dans son rôle de Birdman depuis. Il décide alors de mettre en scène, d'écrire et d'interpréter une pièce de théâtre afin de réaliser son grand come-back.
Un scénario assez cinglant mais maîtrisé de bout en bout qui se fout un peu de la tronche du fonctionnement du système hollywoodien même si, paradoxalement, le réalisateur a les pieds plein dedans. Mais les scénaristes ne s'attardent pas uniquement sur cela puisque ce scénario dispose de nombreux thèmes, tous très bien traités, comme l'égocentrisme des journalistes critiques et leur manque de recul, le manque d'inspiration d'Hollywood mais surtout cette quête, pour chaque acteur, d'être constamment sur le devant de la scène afin de prouver au monde le talent qu'ils exercent et ainsi vivre convenablement. C'est ce thème qui sert alors de fil conducteur au film puisque Riggan, le personnage de Keaton, ne réalise cette pièce que dans le but d'enlever cette image de super héros qui lui colle à la peau et prouver aux autres qu'il est d'une certaine "utilité", qu'il est autre chose. C'est à se demander s'il n'y a pas quelques idées malsaines au fond car en démontrant qu'Hollywood est monde assez pervers qui ne récompense que des films du genre et qu'avec des acteurs en quête de rédemption, Iñárritu et les scénaristes se démontent eux-mêmes puisqu'ils ont reçu ces statuettes dorées et qu'ils pouvaient en être conscients.
Mais bon, passé cette réflexion quelque peu hasardeuse, la technique du film est irréprochable. Iñárritu réalise son film d'une main de maître en le faisant paraître comme un plan séquence de deux heures et coupé secrètement pour créer cette illusion ce qui est très remarquable et assez fou, souligné une fois de plus par l'Académie. Gratifié de l'Oscar de la Meilleur Photographie, Emmanuel Lubezki nous éblouit clairement avec cette photo d'une beauté incroyable, s'alliant à la perfection avec la réalisation d'Iñárritu. La musique est intéressante puisqu'il n'y a quasiment qu'un instrument qui est joué, la batterie, afin de renforcer cet aspect théâtral et mise en scène tape à l'œil du film.
Et si le film s'avère écrit pour Michael Keaton, c'est parce qu'il fait fortement écho à sa carrière d'acteur, connu comme le Batman de Tim Burton, et qui cessa toute activité intéressante depuis ce temps. Il peut ainsi, grâce à ce film, retrouver une certaine gloire qui lui échappa quelque peu lorsque Eddie Redmayne empocha l'Oscar du Meilleur Acteur sous son nez.
Mais qu'importe, il reste magistral dans son rôle et semble être le rôle de sa vie. Et ses compagnons de jeu sont tout aussi éblouissants, notamment Edward Norton qui exalte une folie théâtrale carrément magistrale. Dommage qu'il n'est pas été nommé à l'Oscar du Meilleur Second Rôle, même si ses chances auraient été un peu vaines face à J.K. Simmons. Emma Stone rayonne aussi en incarnant la fille de Thomson sortant d'une cure de désintoxication, on est quelque peu étonné de voir Naomi Watts en actrice débutante et on est surtout ravi de voir la présence de Zack Galifianakis autrement que dans un énième Very Bad Trip à faire l'idiot, même si ça lui va bien.
Certes Birdman Ou (La Surprenante Vertu De L'Ignorance) n'est pas le meilleur film d'Iñárritu mais à au moins le mérite d'avoir un scénario riche mais parfois ambigu, une réalisation folle et des acteurs exceptionnels faisant du film une nouvelle réussite pour le réalisateur mexicain.