Alejandro Gonzales Inarritu abandonne ici sa narration à tiroirs qui faisait sa marque de fabrique. Il prend son public à contre-pied et c’est l’une des premières gageures de ce film. Il choisit donc un récit d’une implacable linéarité pour nous immiscer, au plus proche dans l’univers d’Uxbal (joué par un Javier Bardem phénoménal), homme de rien. C’est tout au moins notre première appréhension, qui de scène en scène évolue.
Plus Uxbal plonge, plus notre empathie pour lui se développe. C’est là toute l’ingéniosité d’Inarritu. Sous une apparente simplicité de l’histoire, il pose des jalons d’une réflexion profonde, sur le sens de la vie, l’immoralité, notre hypocrisie. Dans cette Barcelone très touristique et haute en couleur, survivent à l’écart et bien cachés cette population d’exclus. Si la frontière n’existe pas physiquement, elle est présente dans les esprits et surtout à l’image. Il y a deux mondes dans cette ville qui ne se côtoient pas. Ici, c’est Barcelone dont on aperçoit toujours le cœur de ville lumineux en filigrane, mais bien évidemment cela pourrait être n’importe quelle ville.
Le parcours d’Uxbal est un prétexte. Il est la clé entre ces deux mondes, tentant de donner à ces parias un semblant d’humanité. Aves sa morale, ses codes, il se pose comme un archange déchu. Il sait qu’il sera terrassé, broyé. Mais il espère encore qu’après lui, il y aura un salut pour tous ces évincés da la vie. Ce film d’un pessimisme poussé au paroxysme est une secousse à notre conscience. Et on ne peut rester insensible. La mise en scène épurée de tout artifice s’attache à l’essentiel : l’état d’urgence. Urgence à la vie, urgence à changer les choses, urgence à comprendre.
Un film poignant, dérangeant, percutant.