Boite noire éclairée par une caméra

Le film, documentaire, est dans l’air du temps, celui du mouvement #MeToo, puisque la réalisatrice, journaliste de profession, se bat pour faire juger Noriyuki Hamaguchi, journaliste influent de la télévision TBS et proche de la police et du Premier Ministre (2006-2007 et 2012-2020) Shinzō Abe (1954-2022) qui l’a violée (à 25 ans) le 3 avril 2015 (pendant la floraison des cerisiers), dans un hôtel Sheraton de Tokyo alors qu’elle était inconsciente car droguée. Faute de jugement au pénal (absence de preuves matérielles tangibles), elle a réussi à obtenir un procès au civil et un jugement à l’âge de 33 ans. Sur le fond, c’est une juste cause défendue par une victime qui n’a plus qu’un livre (éponyme), sorti 13 jours avant la réélection de Shinzō Abe en 2017, et cet auto-documentaire, pour se défendre (8 ans de tournage) mais il s’agit d’un témoignage subjectif, à charge, sans débat contradictoire (qui est le principe de toute justice), le film faisant office de psychanalyse et de psychothérapie. L’intérêt du film est historique et montre bien une société japonaise patriarcale et archaïque (seules 4 % des femmes victimes de viols au Japon portent plainte). Sur la forme, le fait d’être juge et partie, devant et derrière la caméra, est discutable (même si le documentaire est dépourvu de pathos et de misérabilisme), d’autant que Shiori Itō, femme sincère et courageuse, n’est pas cinéaste et qu’elle dispose de beaucoup d’enregistrements sonores qu’elle tente d’illustrer par des images d’immeubles ou de déplacements en voiture. Un(e) réalisateur (trice) extérieur(e) aurait eu plus de recul pour la filmer et assurer le montage des films (fallait-il garder la scène de poursuite vaine du chef de la police avec une caméra qui brinqueballe ?).