VERITABLE DESCENTE AUX ENFERS VOUS N’ETES PAS PRETS

Ollie n’a pas une vie facile. Ambulancier dans une ville infernale, son quotidien consiste à passer d’un drame à l’autre, baigner dans la lumière agressive des gyrophares et le son outrancier de la violence urbaine, prendre sa tête dans ses mains et porter son regard hagard jusqu’à des nuits hantées par le mal sur terre.


Son joli blouson avec des ailes d’ange n’allège pas sa mission sacrificielle : tout cela est bien difficile. New York est une cour des miracles où on continue à découper un mouton pendant une intubation, les bébés meurent, les mères se droguent, les gangs se mitraillent et l’ambulance trace un impuissant sillon de salvation dans la nuit. De temps à autre, la musique douce dit que c’est quand même bien d’arriver à sauver des gens.


Ollie est peut-être trop fragile pour ce métier de vrai mec, comme le lui fait remarquer son collègue Lafontaine, un vrai fucked up qui comprend le réel, parce qu’il dit qu’il ne croit pas au paradis, mais bien à l’enfer, écoute du métal et fait rien qu’à mettre des chiens morts dans son casier soi-disant pour rigoler.


Alors quand il voit débouler Gene avec son cure dent et son expérience (il a fait le 11 septembre quand même), il se dit que ça va peut-être l’aider à traverser cette vallée de larmes dans laquelle rien ne semblait le réconforter, pas même ses souvenirs (maman s’est tout de même tailladée dans la baignoire, hein) ni sa nouvelle girl friend à qui il demande de faire la morte pour l’ausculter, les enfants jouent bien au docteur alors pourquoi pas.


Mais bon, la ville est toujours aussi glauque, les gyrophares aveuglants et la misère ostentatoire, de quoi vous faire vriller le plus humaniste des justiciers, qui malgré son cure-dent de mec qu’en a vu voudrait bien dérouiller les maris violents ou euthanasier un nourrisson sidéen irrigué au crack.


Les flashbacks avec la voix en écho, la caméra à l’épaule embarquée dans la course contre la mort vont accompagner cette VERITABLE DESCENTE AUX ENFERS, agrémentée de coups d’éclats et d’escalade vers l’ignominie, et c’est vrai que pas de bol quand même pour notre ange déchu, il a raté médecine et le voilà dans le grand mouroir des pauvres filmé comme une bande-annonce de Seven.


(Spoilers)


Comme les gens sont assez ingrats, tout le monde se retourne contre cure-dent qu’avait voulu jouer au conseiller d’orientation un brin radical pour le nouveau-né, sa hiérarchie, son ex qui veut se barrer avec son nouveau mec, même les mouches sur les cadavres semblent lui faire la gueule. Alors suite logique, mais qui va pas arranger le dossier d’Ollie chez le psy, suicide et cervelle répandue sur le trottoir (sans le cure-dent), et le jeune fracassé d’errer dans un récit qui visiblement doit obligatoirement atteindre les deux heures (soit la durée d’À tombeau ouvert, modèle assumé de Sauvaire, qui de toute façon assume à peu près tout ici) , et qu’on va donc achever trois fois, dans un dialogue en ode à la vie pour le nourrisson sauvé, une hésitation de suicide longue comme l’attente d’un RER un dimanche matin Gare du Nord, et un sursaut de vigueur en allant sauver un enfant dans un bâtiment en flammes, récompense ultime du sauveur saluée par le drapeau américain lui-même, adoubant notre héros ayant réussi à faire passer les outrances d’un des moins bons Scorsese pour un documentaire de Dreyer sur le lichen en bordure de chemin.


Donc à la fin la musique est de nouveau douce, ça valait le coup d'attendre.

Sergent_Pepper
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