Femme intelligente
Black Ninja, bel oxymore pour un film tout aussi beau. Un noir qui dans un costume orange fluo se bat au katana. Tout ceci vaut bien un petit détour... comme ça... juste pour la culture... Mais...
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le 23 nov. 2015
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Au début des années 80, des petits malins ont trouvé une astuce des plus farfelues pour se faire de l’argent, et en particulier deux sociétés hongkongaises, Filmark dirigée par un certain Tomas Tang, et IFD Films & Arts Ltd qui avait à sa tête Joseph Lai. Deux société concurrentes (bien que certaines voix parlent d’une seule et même entité et d’un montage fiscal) dans le domaine du 2 en 1 qui ont inondé le marché de ces bobines un peu particulières. Le spécialiste du genre, ayant œuvré surtout pour IFD mais ayant possiblement également réalisé pour le compte de Filmark sous pseudonyme, c’est le bien nommé Godfrey Ho, réalisateur autant adulé que détesté. Mais pour les deux du fond qui ne connaitraient pas, c’est quoi un deux en un ? Le principe est simple. On achète à bas prix les droits de films taïwanais, coréens, ou philippins inconnus au bataillon, invendables sur le marché international, on refait un doublage afin de créer une nouvelle intrigue, très souvent avec des ninjas alors à la mode à cette époque, et on y rajoute 15 à 20 minutes nouvellement tournées avec des acteurs occidentaux, on mixe le tout avec la magie du montage afin de créer un tout nouveau film. Et dans les meilleurs représentants du genre, on retrouve Black Ninja, alias Ninja : Silent Assassin, alias Ninja Operation : Knight and Warrior, alias … encore bien d’autres titres. Et ça tombe bien, parce qu’il est arrivé chez nous en blu-ray grâce à Nanarland et Pulse Video !
Habituellement, dans les 2 en 1, une grosse majorité du film provient du film asiatique acheté à bas prix auquel on a rajouté le strict minimum avec lesdits acteurs occidentaux. Black Ninja fait exception à cette règle dans le sens où, mine de rien, c’est plus de la moitié du film qui est « inédite ». Nous avons donc d’un côté des images de A Girl Rogue, obscure production taïwanaise de 1984 réalisée par Chao Chen-Kuo (Lucky Seven, Madman Hunt), qui n’est pas si mal. Un jeune homme qui veut venger la mort de son père, il va être aidé par une jeune fille à moto, mais surtout on a extrait de ce film taïwanais bon nombre de scènes d’action qui valent sincèrement le coup d’œil, en particulier au niveau des cascades assez hallucinantes de dangerosité au point qu’on se demande comment l’acteur qui les réalise, Chiu Ying-Hong, ne s’est pas blessé voire tué sur le tournage. Il saute par-dessus des voitures en marche, tombe d’assez haut sur du béton, saute d’un très haut pont, se fait renverser, … On dit que les cascadeurs de l’époque de Hong Kong étaient des barjos, mais ceux de Taïwan étaient encore pires. Et même les bastons, très acrobatiques, sont éminemment sympathiques, bien nerveuses, bien chorégraphiées au point que le premier réflexe au sortir de Black Ninja était de voir si ce A Girl Rogue était trouvable quelque part. En vain… Quoi qu’il en soit, ces nombreuses scènes d’action et autres cascades permettent d’amener du rythme et permettent de ne jamais s’ennuyer. De l’autre côté donc, nous avons tout un tas de scènes tournées pour l’occasion par Godfrey Ho, bien plus qu’à l’accoutumée, pour une raison bien précise. Très souvent, ces 2 en uns sont là pour faire de l’argent en y injectant au départ le minimum d’argent. Les scènes rajoutées sont donc peu nombreuses. Ici, ce n’est donc pas le cas car il y a eu un peu d’aide financièrement parlant du côté du Cameroun et plus particulièrement d’Alphonse Beni, acteur/réalisateur/scénariste camerounais mais également distributeur de ces deux en un dans son pays (ainsi que de tout un tas de films martiaux asiatiques).
Alphonse Beni, il est dans le cinéma depuis longtemps. Dans des productions érotiques françaises, mais aussi dans des productions camerounaises. Il se dirait qu’après une rencontre avec Joseph Lai et Godfrey Ho une année à Cannes, Beni a voulu participer à un de ces films de ninjas 2 en 1 et que les deux comparses d’IFD lui aient dit ok à condition qu’il y injecte de l’argent. C’est pour cela qu’il serait le héros de Black Ninja, bien que rien de tout cela n’ait été confirmé par les différents intéressés. Pour la partie occidentale du film, il y est question de trafiquants de drogue qui cachent leur poudre dans des baguettes de pain. Oui, parce que ça se passe à Paris alors on cache ça dans des baguettes. Mais on fume aussi des gitanes, on boit du Perrier ou de l’Évian, on écrit des tags en français et on appelle nos personnages Denis, Pierre, Paul ou Jacques parce qu’on est en France, vous avez compris !?! Bref. Et donc Denis, il est policier, mais aussi ninja. Ils vont tuer sa femme et vont partir se cacher à Hong Kong. Ha les vils faquins ! Alors il va y aller lui aussi à Hong Kong et il va s’associer à Richard Harrison, un policier local, lui aussi ninja, et ses hommes, afin de retrouver ces méchants trafiquants de drogue qui, comme par hasard, sont eux-aussi ninjas et se sont cachés chez un riche homme d’affaires véreux qui est lui aussi ninja. Oui, je vous l’accorde, ça fait beaucoup de ninjas mais que voulez-vous, c’est ce que veulent les amateurs. Comment vont-ils lier tout cela avec le film taïwanais ? Eh bien c’est la magie du cinéma ça, ou plutôt la magie du montage qui va même permettre des discussions entre des acteurs de deux films différents. Ha ben on n’a pas de sous chez IFD mais on est malins, surtout quand y’a du pognon à la clé. Car oui, si IFD et Filmark ont fait « fortune », c’est parce que ces 2 en 1 sont vendus un peu partout dans le monde, parfois à des prix très élevés car le ninja est à la mode à ce moment-là.
Autant il n’y a rien de nanar au niveau du film taïwanais, autant toute la partie tournée par Godfrey Ho tient parfois de la pépite. Outre les nombreux clichés cités pour haut pour la partie française, avec en plus des plans censés se passer à Paris où on aperçoit la mer derrière (cherchez l’erreur), On va avoir droit à des scènes tout bonnement exquises. Déjà, rien que le casting est assez excellent de nullité. Stuart Smith et Timothy Nugent cabotinent à mort, Grant Temple brille par son absence de charisme, Pierre Tremblay est transparent, et Paul Tocha se demande ce qu’il fout là. Et puis il y a le duo Richard Harrison / Alphonse Beni qui est assez magique. Entre le premier, stoïque en toute circonstance, et le deuxième qui ne joue clairement pas très bien, certaines scènes en deviennent hilarantes. Il faut dire que tout ce beau petit monde n’a pas été gâté par des dialogues sans intérêt, magnifiés par une VF aux petits oignons avec des doubleurs parfois en roue libre. Et puis bien entendu, il y a ces affrontements entre ninja, ce qui fait frétiller l’entrejambe des amateurs du genre. Autant vous dire qu’on est dans du lourd. Jamais des ninjas n’avaient autant mouliné des bras avant de faire leurs coups spéciaux. Rarement des ninjas avaient porté des accoutrements aussi ridicules à bases de couleurs bien flashys, de papier crépon, et de bandeaux où est écrit « Nin-ja » au cas où on ne comprendrait pas qu’ils en sont. Ça disparait dans un nuage de fumée, ça passe à travers des grilles en fer, ça monte sur les arbres à l’horizontale, ça balance des shurikens, ça fait des pirouettes inutiles dans tous les sens, ça prend des poses improbables, … bref, le bonheur pour les amateurs. Sauf qu’en plus ici, c’est mis en scène un peu n’importe comment, avec une multiplication des zooms à vous donner la gerbe (voir le combat de fin et ce plan zoomé cinq fois d’affilée), et absolument aucun effort pour camoufler les doublures dès que les ninjas sont censés se battre. Parce que oui ‘voyez, Richard Harrison, Stuart Smith ou Alphone Beni, c’est pas des artistes martiaux. Prendre la pose en fronçant les sourcils habillés en ninjas, ils savent le faire. Lever la gambette, ça beaucoup moins. Et autant pour les deux premiers, un cascadeur chinois grimé en ninja subit à faire croire au subterfuge (quoi que…), autant pour Beni, camerounais pure souche de son état, bah ça se voit que le mec en costume qui se bat n’est pas black de peau. Mais OSEF, il ne s’arrête pas à ça Godfrey Ho. Et c’est vrai que OSEF, le film nous donne ce qu’on est venu chercher, des rires, des moqueries et du divertissement, et c’est bien ça le principal !
Un des meilleurs représentants du « 2 en 1 » made in Hong Kong par le spécialiste Godfrey Ho sous la houlette de IFD. Si vous aimez les mauvais films qui font rire et les ninjas, alors il ne faut manquer Black Ninja sous aucun prétexte !
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-black-ninja-de-godfrey-ho-1987/
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Créée
le 22 août 2024
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