We must find a way to look after each other, as if we were one single tribe.

En soit, je n’ai pas été déçu par le film. Parce que malgré les retours dithyrambiques, et malgré le fait qu’il était sans doute le film de la phase 3 qui m’intriguait le plus, les bande-annonces n’avaient pas vraiment réussi à susciter une grande attente sur ce film. Du coup, pas de déception parce que le film sera globalement plutôt sympa et sans doute un des meilleurs du MCU. En revanche, tout comme pour Civil War, j’ai ressenti une énorme frustration. D’une part parce qu’encore une fois, Marvel Studios échoue à me proposer un film qui me transporte vraiment, qui me fasse vibrer ; mais cette fois-ci, ce qui est frustrant, c’est qu’il y avait le matériel pour au moins proposer quelque chose du niveau de The Winter Soldier.

On peut séparer le film en deux grosses parties, qui font à peu près 60-40 sur la durée du film. Franchement, je me suis régalé dans la première partie. J’ai beaucoup aimé comment le film prend le temps d’introduire son personnage et son univers au public, que ce soit novice ou amateur. Il se permet même de glisser lentement vers le film d’espionnage en piochant allégrement dans James Bond, et pourtant ça ne crée pas de dissonance, preuve que cet aspect s’intègre parfaitement dans l’univers même du film. D’autant plus que le prologue nous laissait envisager qu’on irait piocher du côté du thriller géopolitique, et cette première partie continue dans cette voie.

J’ai beaucoup aimé aussi comme le Wakanda est dépeint. Ce mélange de technologie futuriste et de traditions africaines fonctionne vraiment très bien et participe à créer un univers à la fois riche et passionnant. Que ce soit dans les costumes (superbes), les décors (magnifiques) ou même les musiques (sublimes), on sent une volonté de mettre l’Afrique à l’honneur dans ce film, mais également les peuples africains, en allant piocher à droite à gauche. L’importance jouée par ces traditions permet de développer cet univers, mais également l’intrigue elle-même puisque plusieurs aspects tourneront autour de ces traditions. D’autant plus que cela amène sur le devant de la scène LA question du film, à savoir l’isolationnisme du Wakanda vis-à-vis du reste de l’Afrique mais aussi du reste du monde.

Idem avec les personnages. J’avais beaucoup aimé T’Challa dans Civil War (d’où le fait que son film m’intriguait), et ça s’est confirmé ici. Même si parfois il peut paraître dépasser par les événements, il essaye simplement d’être un bon roi pour son peuple. De façon générale, j’ai beaucoup apprécié les Wakandiens, mais ce qui m’a le plus intéressé dans ce film, c’est le rôle tenu par les femmes. Pour la première fois, on a vraiment droit à des personnages féminines principales et secondaires bad-ass dans un film de super-héros. Ce que j’entends par là, c’est que dans Wonder Woman, les Amazones étaient en soutien au personnage de Diana, une super-héroïne, et dans Justice League, elles étaient plutôt au centre d’une intrigue secondaire.

Dans le MCU, on pensera tout de suite à Black Widow comme personnage féminine bad-ass, mais c’est justement là que je place la différence. Black Widow est une personnage créée dès le départ pour être bad-ass, c’est son rôle principal dans les films, c’est ainsi qu’elle est définie. Là, dans Black Panther, c’est complètement différent : chaque personnage féminine a un rôle qui lui ait propre au sein de l’intrigue, mais la façon dont leur personnage est écrit et agit les rend bad-ass. Comme pour Wonder Woman, à la différence qu’ici on a un personnage masculin en rôle-titre. Et c’est ça que j’ai beaucoup apprécié dans ce film : le rôle donné aux femmes. Que ce soit Nakia, Okoye, la Reine Mère ou Shuri (pour qui va ma préférence), toutes les quatre (ainsi que celles qui ne sont pas nommées) apportent un véritable support au personnage de T’Challa.

Du coup voilà, la première partie du film était vraiment chouette, mais la seconde vient un peu tout foutre en l’air. Alors que la première partie avait créé quelque chose d’unique et d’intéressant, que ce soit par l’univers mis en place ou l’intrigue (même si le rythme était du coup plus lent) ; la seconde retombe dans les travers des films du MCU dernièrement, au point même d’en devenir un cliché ou une parodie.

Là où la première partie restait globalement bien mené et intriguante, la seconde deviendra terriblement linéaire et prévisible, reprenant tous les twists classiques du MCU et du genre, sans même essayer prendre des risques là où ça aurait peut-être valu le coup de le faire. Là où la première partie avait un humour parfaitement dosé et efficace, la seconde partie retombera de nouveau dans la Marvelisation de l’intrigue, avec de l’humour lâché toutes les 5 minutes sans vraiment de raison, tombant à plat la plupart du temps. Bon, ce n’est pas du niveau de Ragnarok ou Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, mais une nouvelle fois, ça vient parasiter le film là où ce n’était pas nécessaire. Là où la première partie développer des thématiques et un univers intéressant, la seconde mettra tout ça de côté un moment. Là où dans la première partie les femmes avaient un rôle incroyable, dans le seconde on revient à les limiter juste à un rôle de personnage bad-ass sans plus de profondeur. Là où dans la première partie, on avait des relations intéressantes entre T’Challa et les autres Wakandiens, dans la seconde ça devient terriblement fade et lassant.

Et la chose intéressante, c’est que ce brusque changement intervient exactement au moment où on change de méchant. Dans la première partie, on avait un Ulysses Klaue qui était une menace imprévisible, chaotique, dangereuse ; mais déjà on le voyait en partenariat avec Killmonger, qui s’avérera être le méchant principal du film et de la seconde partie. Le problème, c’est que si cette structure est assez classique, elle n’est efficace que si elle est bien amenée. Or, la menace Killmonger sera pratiquement absente dans la première partie du film, et ne se concrétisera jamais vraiment dans la seconde. Parce que l’intrigue sera devenue trop linéaire pour qu’on soit inquiété de ses actions.

Du coup, on se retrouve avec un méchant pas franchement convaincant. Alors que le personnage lui-même est terriblement intéressant dans ses motivations. Parce qu’il cristallise le thème central du film que je citais plus haut : l’isolationnisme du Wakanda. Et alors c’est peut-être à cause de mes convictions sur le sujet, mais cela a fait que pour moi, Killmonger n’est pas vraiment un méchant, parce qu’il a raison. Parce que cette thématique et la façon dont elle est traitée dans le film, c’est ni plus ni moins qu’une allégorie de la situation actuelle aux États-Unis mais également en Europe, avec la crise des migrants.

Qu’un film Marvel aborde cette question de front, c’est admirable. Qu’ils en fassent les motivations du méchant du film, c’est incroyable. Parce que là où Killmonger devient le méchant, c’est que d’une certaine façon, il illustre également la monté des extrémistes et le danger qu’ils représentent. De par ses motivations, il a raison ; mais c’est par la manière de les réaliser qu’il tort. Ce qui donnera d’ailleurs à la première scène post-générique toute sa puissance dans le message qu’elle délivre.

D’où le sentiment de frustration. Parce que la première partie du film est vraiment chouette et met en place un univers vraiment intéressant, et la seconde aurait pu être une apothéose si le méchant avait été bien mieux amené dans la première partie.

Bref, frustré par ce film.

Sur le casting, je n’ai pas grand-chose à redire. J’ai beaucoup aimé Chadwick Boseman, qui propose un jeu intéressant sur les différents aspects de son personnage. Il a se petit quelque chose en lui qui fait qu’il n’est pas forcément charismatique à l’écran mais il impose quand une forme de respect. Michael B. Jordan fera un taff admirable avec Killmonger, dommage que vers la fin ça tombe un peu dans la caricature du vilain bas de gamme. Martin Freeman et Forest Whitaker resteront fidèle à eux-mêmes. J’ai adoré Andy Serkis, complètement habité par son personnage du début à la fin, pratiquement dans le burlesque par moment. Daniel Kaluuya a été convaincant, même si je n’ai pas apprécié l’évolution de son personnage, tout comme Winston Duke. Et je parlais des personnages féminins, et bien sûr le quatuor Lupita Nyong’o, Danai Gurira, Letitia Wright et Angela Bassett sortent très facilement du lot, chacune étant incroyable lors de leur scène, éclipsant même les autres acteurs présents.

Techniquement, le film est une réussite comme très souvent avec Marvel Studios, même si j’émets quelques réserves cette fois-ci. La musique est brillante. Franchement, ça faisait très longtemps qu’un film Marvel (ou même de super-héros) ne m’avait pas autant entraîné avec sa musique, les différentes sonorités qu’elle propose. On aura quelques chansons ici et là, mais qui s’intègrent parfaitement, mais ce sera surtout au niveau de la musique que le film m’aura ravi. On alternera entre passage épiques et classiques pour un film de super-héros, mais on aura toujours une petite touche très africaine dans les sonorités, et cela participe beaucoup à créer l’univers du film.

Les décors du Wakanda seront fabuleux, avec ce mélange d’Afrique, de technologie, de futur et qui pourtant sont très harmonieux. Le seul défaut ici seront les décors d’intérieur en CGI et les incrustations sur fond vert, parfois très mal exécutés. Autant dans les moments de « rêve », ça ne dérange pas parce que ça s’inscrit dans la logique de la scène ; autant, lors du reste du film, ça pique quand même un peu les yeux. Les effets spéciaux seront d’ailleurs dans l’ensemble plutôt bien exécutés, même si encore une fois, au niveau des CGI (notamment lors du final), ça devient un peu grotesque par moment. J’ai beaucoup aimé les costumes du film, qui s’inspirent là aussi des traditions africaines, mais j’ai surtout beaucoup aimé le fait qu’ils soient également pratiques et s’intègrent parfaitement dans l’univers.

Reste enfin la mise en scène de Ryan Coogler, dont c’est le premier film que je vois, que j’ai adorée. C’est définitivement le seul aspect du film qui ne m’a ni déçu ni frustré à aucun moment. Certes, c’est très classique par moment, mais chaque scène à une petite idée ici et là qui rend le tout vraiment merveilleux, que ce soit dans le cadrage, la photo ou le montage. Et puis Coogler nous fait même le plaisir de quelques plans-séquences de toute beauté (la baston dans le casino). Même les scènes de combats seront très chorégraphiées, du moment qu’on reste dans du pratique (dès que les CGI et plans d’ensemble sont impliqués, ça baisse de niveau et d’intensité). C’est encore un peu chaud, mais c’est indéniablement le film du MCU qui m’a le plus marqué à ce niveau depuis sans doute The Winter Soldier.

Bref, Black Panther ne sera pas pour moi le meilleur film du MCU, même s’il fait partie du haut du panier. Ce que je trouve dommage et frustrant, c’est qu’on avait là la possibilité d’avoir un film vraiment particulier et à part (et le début du film allait dans cette direction), mais l’intrigue s’est faite parasiter par le cahier des charges Marvel/Disney dans la seconde partie, ce qui en fait perdre de l’intérêt. Du coup oui, Kevin Feige nous propose là un film avec au final la même formule que les précédents, qui est sympa, dont les personnages sont attachants ; mais qui ne nous fait pas vibrer. Ce qui commence un peu à m’inquiéter sérieusement, parce que le prochain film c’est Infinity War.