Black Swan est un formidable voyage sensoriel et émotionnel. Purement et simplement dans le ressenti, le film nous fait souffrir, nous émeut, et provoque quelque chose en nous. J'étais à moitié hypnotisée à la fin du film, incapable de voir la réalité sous mes yeux, à tel point qu'un spectateur m'a demandé si ça allait. Le fait est qu'il traite admirablement de la paranoïa plus encore que la recherche de la perfection. Car ici c'est bel et bien de démons intérieurs dont on parle.
Natalie Portman est époustouflante dans ce film à tel point que j'ai l'impression de la découvrir comme si auparavant elle n'avait fait que survolé ses rôles sans vraiment parvenir à ce niveau de charisme à l'écran. Car elle magnétise entièrement, grâce à la caméra de Aronofsky qui la suit comme une ombre. Lorsqu'elle danse, la caméra danse avec elle. Les gros plans sur son visage se multipliant, filmant presque chaque goutte de sueur perlant de son front. C'est avec virtuosité que la caméra danse autour de chacun des acteurs. Tous plus réaliste et hypnotique les uns que les autres, Milla Kunis presque effrayante dans sa sympathie, Vincent Cassel oscillant entre le génie et le patron pervers, Barbara Hershey effrayante en mère tyranique qui parvient à nous faire trembler de peur simplement en coupant les ongles de sa fille, et Winona Ryder tout aussi inquiétante.
Le jeu du double maléfique thème principal du film n'apparaît véritablement que lorsque Milla Kunis entre en scène, ainsi que la paranoïa qui va avec. Pourtant dès le début, on sent quelque chose de malsain, de troublant et d'inquiétant tourbillonnant autour de Natalie Portman éblouissante en jeune fille vierge effarouchée. Par des effets sonores, Clint Mansell au commande de la bande son excelle à nouveau, des jeux de miroirs, des effets de lumière, une incroyable séquence dans la boîte de nuit qui n'est pas sans rappeler l'inquiétant Suspiria, et surtout une transformation physique ainsi qu'une série de mutilation, Aronofsky nous fait frissonner devant un étrange qui n'est pas sans rappeler Le Locataire de Polanski. L'inquiétant allant parfois jusqu'au fantastique, dans un final éblouissant on voit des ailes pousser littéralement à Nina, mais surtout au troublant et épidermique sensation d'angoisse paranoïaque.
Les effets visuels vont peut-être pas assez loin. J'ai adoré les scènes troublantes comme celle de la boite de nuit où cette lumière rouge écrasante et envoûtante nous perd complètement. Il me manque un peu de cette magie dans le reste du film. Disons que j'aurais presque aimé qu'il aille encore plus loin, une heure de plus de cette magie angoissante ne m'aurait pas déplu. Certaines séquences étant éblouissante, on voudrait que toutes le soient. C'est un excellent film, le premier bon film que je vois en salle de cinéma (sans compter le festival de Gérardmer) en salle de l'année, en espérant que ce ne soit pas le dernier.