Devant le film d'Aronofski, les réactions des spectateurs sont à son image : excessives. Certains le portent aux nues et d'autres le jugent révoltant ou ridicule, voire simplement laid. Est-ce à dire qu'on devrait situer sa vraie valeur à mi-chemin de ces deux pôles ? Sûrement pas. Mais le film est si violent, si outrancier, si délirant, si extrême que des spectateurs rationnels peuvent estimer qu'il dépasse les bornes (et dieu sait qu'il les dépasse !) et que c'est, à la fin, se moquer du monde que de vouloir nous faire avaler qu'un film excessif jusqu'à l'invraisemblance, parfois insensé, inexplicable (à moins qu'halluciné)
ainsi, la scène où un corps inanimé est tiré par les pieds
puisse être aussi, dans la lignée de son illustre et flamboyant prédécesseur Les Chaussons rouges, un chef d'oeuvre. Qu'il le soit ou pas, il vous flanque quand même une sacrée claque !
D'abord parce que Nina, son héroïne, est merveilleusement interprétée par Nathalie Portman, elle-même parfaitement entourée, d'abord de sa mère (Barbara Hershey), mais aussi de sa rivale (Lily / Mila Kunis), de la danseuse-étoile déchue (Beth / Winona Ryder) et même de Vincent Cassel qui, aussi talentueuses que soient ses partenaires féminines, tire avec classe son épingle du jeu (dans le rôle du maître de ballet).
Ensuite parce que la réalisation d'Aronofski est brillante jusqu'au machiavélisme et qu'elle s'appuie sur un scénario hyper-fouillé et qui va crescendo, repoussant toutes limites (même celles du crédible) jusqu'à l'époustouflant final.
Aussi, parce que la musique de Tchaïkovski, très habilement adaptée aux besoins du film, exerce sa magie rose et noire, désespérée, sur les acteurs et spectateurs de cette folle histoire.
Enfin et surtout, parce que celle-ci repose, au delà de toute invraisemblance, sur une volonté que chacun peut comprendre, une nécessité (?) à laquelle chacun est confronté à un moment ou un autre de sa vie professionnelle : la recherche désespérée de la perfection, la volonté de se surpasser, au delà du raisonnable, pour plaire à sa hiérarchie qui, alternant menaces et cajoleries, vous en demande toujours et toujours plus, jusqu'au point de rupture, jusqu'à la folie, jusqu'à la mort.
(Rédigé à la sortie du film et un peu retouché pour inclusion ici)