J'en ai ma claque des cygnes
Le film possède bien deux ou trois qualités, et c'est par cela que je veux commencer. D'abord, au niveau de l'interprétation, c'est inégal mais il y a du très bon. Vincent Cassel est remarquable et sobre (ce qui est rare pour lui) et j'ai eu beaucoup de plaisir à revoir Barbara Hershey (qui était la Marie-Madeleine de Scorsese dans La Dernière tentation du Christ, et une des sœurs d'Hannah dans le magnifique film de Woody Allen) dans le rôle ingrat de la mère sur-protectrice.
Le début du film est sympa et plein de promesses, surtout dans le portrait de Nina. Les griffures dans le dos, le lien mère-fille, le groupe des danseuses et la domination de Thomas, c'était du déjà-vu mais ça pouvait donner quelque chose de réussi. Et, dans l'ensemble, le scénario tient à peu près la route.
Mais c'était sans compter sur la réalisation. Tous les défauts du film peuvent se résumer en un mot : Aronofsky. Il est le seul responsable de l'échec du film. Sa mise en scène est une succession de mauvais choix, aussi bien pour les images que pour le rythme.
D'abord, ce film est laid. Aronofsky a même réussi à enlaidir Natalie Portman, ce qui relève de l'exploit. Ainsi, dans la scène où elle va dans le bureau de Thomas pour le supplier de lui donner le premier rôle, je l'ai trouvée d'une laideur peu commune (même George Lucas, pourtant spécialiste en laideur, n'avait pas réussi à ternir la beauté de Natalie Portman).
Et puis, Aronofsky, il est épuisant. Il ne peut pas s'empêcher de tourner sa caméra dans tous les sens. ça bouge constamment. Si au moins tous ces mouvements avaient un intérêt pour l'histoire ou l'ambiance, ce serait compréhensible. Mais là, ce n'est que du remplissage. A cela, on ajoute les effets minables pompés sur de mauvais films d'horreur (bouh ! tu sursautes, hein ? Tu t'y attendais pas et j'ai fait apparaître un personnage) et un pseudo-érotisme dont le seul but est d'attirer le chaland, et on obtient un film bien racoleur.
Oui, deux mots au sujet des scènes prétendument sensuelles. Les personnages du film, quand ils ne dansent pas, passent leur temps à mettre leur main sur les entrejambes des autres (ou le leur, parfois). Déjà, on ne frôle même plus la vulgarité, on nage en plein dedans. Mais surtout, c'est à peu près aussi érotique qu'une tête de veau sur l'étal d'un boucher. La scène où Nina se masturbe dans son lit est tout simplement d'une nullité qui défie l'imagination.
Et puis, il y a l'intervention des effets spéciaux. ça aurait pu être une bonne idée également, mais ici, ça me paraît être uniquement dans le but de pallier les lacunes d'un cinéaste incapable de faire travailler l'imagination de ses spectateurs et d'employer la suggestion (qui aurait été une bien meilleure idée : ne pas montrer mais laisser deviner le Cygne Noir, à la manière d'un Jacques Tourneur ; mais pour cela, il aurait fallu le talent d'un Jacques Tourneur et ça, c'était trop demander pour Aronofsky). Et, là aussi, le réalisateur prend le parti du choc et de la laideur (mais pourquoi ces yeux rouges ?). C'est vain.
Le rythme ? C'est bien simple : j'ai cru que le générique de fin n'arriverait jamais. Le début du film est plutôt réussi, mais plus on avance et plus ça s'aggrave. Et la dernière demi-heure est tout simplement insupportable. Et cette fin qui n'arrive pas, sans cesse repoussée par des péripéties inutiles, lourdes et vulgaires. Et le portrait de Nina, qui aurait pu être subtil et intelligent, se noie dans le n'importe quoi le plus affligeant.