À la fin noir et blanc seront ressemblants, comme deux gouttes de sang ...
"Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l'ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lily..." Allociné
Face à ce pitch qui me paraissait digne d'un episode de Un dos tres (pour situer un peu mon niveau de dubitativité), j'étais un peu rétif, heureusement les notes et critiques élogieuses me poussent vers la salle obscure et l'écran lumineux ...
Nina est donc bien une ballerine, talentueuse et peu sure d'elle, écrasée et dominée par sa mère, qui se voit confier le rôle principal du Lac des cygnes mais de ce fait doit faire face aussi bien à son entourage, qu'à la haine qu'elle peut susciter chez ses petites camarades, qu'à son directeur de troupe qui cherche à la pousser toujours plus loin, qu'à ses propres peurs, faiblesses et démons intérieurs !
Le reste de la critique baignera dans la jus aigre du spoiler, camarade, te voilà averti, tu vaux deux camarades, allez donc prendre une bière ou un café mais ne lisez pas la suite (même si malheureusement il y a des indications partout, dans beaucoup de critiques, sur le contenu du film, gâchant quelque peu la surprise).
Nous sommes donc en face de la recherche d'un idéal, d'un travail constant pour arriver à la perfection. Tout le film repose sur cette démarche de Nina d'une remise en question perpétuelle, d'une tentative de transcendance qui amène à sa révolte : une bataille menée contre son corps, contre les personnes qui l'entourent, contre la perception qu'elle a d'elle-même. C'est aussi l'idée de l'artiste auto-destructeur qui donne corps à son inspiration, à son talent dans sa chute qu'il provoque.
Pour illustrer ces idées tout en restant dans le domaine du ballet qu'on s'est fixé au départ, on choisit donc le lac des cygnes qui a plusieurs avantages :
D'une part la dualité évidente imposée par le double rôle des jumelles cygnes, permettant d'exploiter d'avantage l'idée de cette fracture intérieure.
D'autre part la musique de Tchaikovsky qui est à se rouler par terre tel un cochon sauvage corse à l'apogée du bonheur terrestre.
Enfin puisque le ballet en lui-même est un art à double facette puisqu'il repose sur le jeu d'acteur, l'immersion et la grâce corporelle des mouvements amples et aériens du corps.
J'ai été personnellement saisi, plongé dans l'ambiance, touché par cette musique, captivé par ces acteurs : le rythme est soutenu, envoutant et hypnotique. Certaines scènes font la part belle à quelques clichées ne me posant nulle problème, Darren ayant le bon goût d'être explicite, clair avec une passion toujours intacte pour l'esthétisme (à l'inverse de The Fountain qui consistait plus en une masturbation pseudo symbolique contemplative et prétentieuse, on m'excusera de la non-audace obscène de ces insultes).
Tout le film est une construction, une évolution qui en lui-même est suffisante mais qui tend vers son aboutissement : apothéose du sacrifice ultime, ritualisé, divinisant sur l'autel pour l'art et par la destruction, le cygne prend son envol dans une chute ascensionnelle où votre coeur et estomac suivent ...
Diantre ...
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