Je peux me tromper mais j'ai l'impression que depuis Inside Man peu de films de Spike Lee ont été distribués en France, j'ai juste le souvenir du remake d'Oldboy qui souffrait... ben d'être un remake d'Oldboy... En tous cas c'est une bonne chose que Blackkklansman arrive jusque chez nous, puisque c'est vraiment pas mal du tout.
Plus je vois de films de Spike Lee plus je me suis qu'en dépit de ses idées politiques qui sont ce qu'elles sont, le gars est surtout un sacré metteur en scène. Il s'amuse ici avec le montage, les effets de style. J'apprécie particulièrement son gimmick de montage qui consiste à revenir une seconde en arrière lorsqu'il change d'angle de vue afin qu'on revoit la même scène sous un autre angle lui donnant plus d'importance.
Bien rythmé, le film arrive à alterner les moments plus comiques avec des éléments plus dramatiques, ce qui permet de tenir en haleine le spectateur alors qu'en réalité dans leur enquête il ne se passe pas grand chose. Je ne sais pas si c'est pareil dans la véritable histoire, mais d'après les infos que j'ai pu glaner le héros avait un rôle beaucoup plus important alors que là il fait jeu égal quasiment avec Adam Driver (qui se révèle vraiment bon), ce qui permet d'alterner les scènes au téléphone avec John David Washington et celles où Adam Driver se rend en personne au KKK. S'attarder sur le personnage, juif, d'Adam Driver permet de cibler autant le racisme que l'antisémitisme et montre bien que son personnage qui n'est pas particulièrement pratiquant à force de fréquenter des gens antisémites se retrouve obligé en réaction à se « communautariser », à questionner son identité juive et à vouloir plus l'affirmer. En gros le discours du KKK est contre productif puisqu'en prenant pour cible les noirs, les juifs, il leur renie leur statut d'Américain et donc créé un mouvement contre eux en parallèle.
D'ailleurs c'est très bien montré dans une séquence où les Black Power se réunissent en même temps que les White Power, les noirs écoutent un témoignage, tandis que les KKK regardent naissance d'une nation, un film qui a causé le malheur des noirs à l'époque. En gros le racisme engendre la résistance noire.
Cependant j'avoue que le début m'a laissé un peu perplexe, on ouvre avec une scène avec Alec Baldwin que l'on ne reverra plus plus tard dans le film, qui enchaîne les discours racistes devant des images de Naissance d'une Nation. Je ne sais pas trop ce que cherchais à faire Spike Lee. Après c'est assez drôle puisque le personnage a du mal à débiter son texte et esthétiquement c'est réussi avec le film qui s'imprime sur le visage grimé de Baldwin. Peut-être était-ce juste une manière de montrer le type de discours qui est dit au KKK afin que le spectateur se rende compte de leur ridicule... enfin je ne sais pas...
Reste que la séquence est drôle, mais son but m'échappe.
Idem pour la fin où Spike Lee joue avec des symboles que je ne maîtrise pas forcément, comme le drapeau ricain renversé que je suppose signifier sa désapprobation de la politique de Trump (comme ça pouvait être le cas avec Obama où certains types qui le détestaient retournaient leur drapeau).
Mais surtout le problème de la fin c'est qu'elle n'est pas subtile pour un sous. Durant tout le film Lee s'attarde sur son personnage de policier noir plutôt modéré, qui désire à la fois aider les noirs, mais également être américain, là où son amie, elle veut assumer pleinement son côté noir et renier l'Amérique qu'elle estime être raciste.
En réalité l'intelligence de Spike Lee est d'avoir pris un personnage plus modéré que lui ce qui permet au spectateur de s'identifier et de l’apprécier. Mais cette fin qui vise Trump particulièrement au travers des événements de Charlotteville fait perdre au film son côté modéré pour finalement en faire un brûlot anti-Trump et plaçant le film plus du côté de Patrice, l'amie du héros, militante pour les droits de noirs, montrant que l'Amérique est raciste par essence. Le fait de parler et de montrer plusieurs fois des morceaux de Naissance d'une nation va dans ce sens vu que le film montre la naissance de l'Amérique sur des actes racistes.
J'avoue ne pas adhérer à ce discours, mais cependant difficile de bouder son plaisir.
Notons par ailleurs que ici les membres du KKK sont quasiment tous caricaturaux, ce qui est assez drôle, mais qu'un, Walter, celui qui est à la tête de la division régionale est assez modéré finalement et semble normal. Ce qui montre à la fois que n'importe qui peut être raciste, mais surtout ça évite de les faire tous passer pour des attardés finis, le rendant plus humain et donc plus ambigüe.