Une ode à Butch Cassidy et au western
Quand le scénariste de grand films espagnols (Ouvre les yeux, Mar Adentro, Agora), fidèle collaborateur du cinéaste Alejandro Amenábar, décide de s’attaquer au mythe du bandit Butch Cassidy pour son second long-métrage (douze ans après La Méthode), autant dire que le projet se montrait plutôt alléchant. Mais rappelons que ce film est sorti quelques années avant Django Unchained, le western (déjanté, certes) de Quentin Tarantino, qui a su relancé ce genre cinématographique à l’agonie, comme le péplum. Il n’est donc pas étonnant de voir que Blackthorn n’ait pas spécialement marché sur le plan commercial (seulement 623 528 dollars de remportés dans le monde), passant inaperçu auprès de l’inconscience collective. Il est donc temps de parler de ce film et de vous montrer ce que vous avez loupé.
Bien qu’il ait été avéré que Butch Cassidy ait séjourné en Bolivie, sa fin reste néanmoins incertaine. Est-il mort de vieillesse en 1945 ou a-t-il vraiment été tué en 1908 ? Peu importe, ce n’est pas le sujet du film ! D’ailleurs, ces incertitudes permettent au réalisateur Mateo Gil et à son scénariste Miguel Barros de bâtir leur histoire comme bon leur semble. Surtout que Blackthorn se présente comme un hommage, une ode à Butch Cassidy qui est longtemps resté dans l’ombre du Kid dans les autres films les mettant en avant (Butch Cassidy et le Kid, Les joyeux débuts de Butch Cassidy et le Kid). L’occasion donc de ne se préoccuper que de ce personnage, de dresser un portrait de l’homme derrière la légende (bien que ficitif). Blackthorn, c’est indubitablement ce film. Qui prend le temps qu’il faut travailler son héros sans passer par d’éternelles séquences de fusillades (comme on en voit fréquemment dans les westerns). Insistant bien sur le parallèle entre son amitié avec le Kid et le voleur Eduardo, ponctué par quelques flashes-back introduits ici et là. Le procédé offre quelques longueurs, il est vrai (les 95 minutes semblent par moment s’éterniser), mais tient ses promesses.
Ce qui permet aussi au personnage de Butch Cassidy d’avoir de l’ampleur à l’écran, c’est la prestation de son interprète. Succédant à Paul Newman et Tom Berenger (les comédiens des autres films), Sam Shepard s’est pleinement investit dans son rôle, au point d’avoir vécu trois mois en Bolivie en totale immersion afin de se préparer pour le tournage. Un travail d’orfèvre qui se remarque à l’écran tant l’acteur offre beaucoup d’humanité et de profondeur à Cassidy. Mettant les autres comédiens sur le banc de touche avec facilité, alors que ceux-ci n’ont pourtant rien à lui envier. Mais encore une fois, c’est Sam Shepard qui est en tête d’affiche, et on peut dire que l’acteur porte le film sur ses épaules avec une grande aisance.
Mais Blackthorn n’est pas seulement une mise en abîme de Butch Cassidy, mais également une déclaration d’amour de Mateo Gil au western. Bien que sa mise en scène n’ait pas particulièrement de style à nous vendre, l’Espagnol use de tous les codes de ce genre pour annoncer sa flamme. En faisant de Butch Cassidy un héros solitaire au passé trouble. En filmant avec minutie les somptueux décors boliviens. En usant de ces derniers pour mettre en valeur certains de ces codes (la silhouette des personnages sur le blanc intense du désert de sel). En proposant une agréable bande-originale signée Lucio Godoy, qui va jusqu’à faire chanter Sam Shepard pour donner plus de crédibilité à l’ensemble.
Blackthorn est donc un film qui aurait mérité un accueil plus imposant lors de sa sortie, étant un western travaillé comme il se doit sur le plan scénaristique et technique. Sans compter la performance de Sam Shepard, juste impressionnante. Même si le succès au box-office n’a pas répondu présent, il est toujours temps de découvrir (ou redécouvrir) ce film qui doit être vu au moins une fois dans sa vie.