Blade Runner faisait parti jusqu'à ce soir de ces films que je classais dans la liste : "Films vus trop tôt dans ma vie pour les apprécier à leur juste valeur".
Sa réputation de chef d'œuvre le précédant et la suite du talentueux Denis Villeneuve arrivant enroulée dans ses draps d'apparats commerciaux, je décidais de rappeler à mon bon souvenir l'histoire de ce détective spécialisé dans la traque des réplicants. Un terrain quasiment vierge à explorer de nouveau puisqu'il ne me restait en tête qu'un vague affrontement verbal entre Harrisson Ford et Rutger Hauer et la déception d'un chef d'œuvre incompris.
D'emblée, la ville est immense et sombre, prête à engloutir les âmes qui s'y croisent et s'ignorent sous une pluie incessante. Les seules lumières chaudes viennent des néons et des enseignes publicitaires qui vous font miroiter vos envies. Continuez à vous débattre ici, rêvez d'ailleurs, d'un autre monde. Ici, c'est l'Amérique, où l'Asie est omniprésente.
Il faut le reconnaître, la frontière entre fiction et réalité est infime. En cela, Blade Runner étonne lorsqu'on le découvre si tardivement.
Mais nous sommes dans le 2019 de 1982, celui des voitures volantes et des androïdes plus vrais que nature. Pas le 2019 de 2017 avec ses adultes en trottinettes électriques et ses assistantes vocales démembrées pour tenir dans les quelques millimètres d'épaisseur de nos smartphones. Si le fond est bien là, la forme est toute autre.
Dans ce 2019, Ghost in the shell n'existait pas et je n'aurais donc pas pu dire que Masamune Shirow traitait les questionnements philosophiques sur notre condition d'êtres éphémères avec bien plus de réflexion, d'intensité et de panache que Ridley Scott s'appuyant sur Philip K. Dick.
Car revoir Blade Runner m'a permis de comprendre pourquoi il ne me restait aucun souvenir du précédent visionnage. Sa contemplation, ses scènes figées saupoudrées des effets musicaux de Vangelis n'ont absolument rien éveillé en moi. Certes, en creusant, on se rend compte que le film n'est pas exempt de belles trouvailles et qu'il embarque avec lui une mélancolie presque palpable mais diable, que c'est chiant ! Cette perpétuelle somnolence, comme les derniers battements d'un être agonisant ne réussiront pas à me faire crier au génie.
Seul le final trouve grâce à mes yeux, sans test de Voigt-Kampff, avec son dénouement subtil qui fait de la machine (Rutger Hauer, enragé, possédé et résigné face à sa condition), un homme et de l'homme, une machine.
Loin de partager l'avis du plus grand nombre, je n'ai vu là qu'un essai téméraire mais infructueux, visuellement bluffant mais désespérément soporifique.