https://youtu.be/FwhZ11lcOJQ?t=22m44s


Il y a une chose qui m'a toujours interpellé dans chacun de mes visionnages et qui me fait inlassablement revenir sur ce film pour y découvrir des détails qui m'auraient échappé : pourquoi Blade Runner est si profond et si inépuisable au fil du temps, alors qu'en l'espace d'1h50 d'autres longs-métrages peinent à faire démarrer leur histoire et s'enlisent dans des ambitions qui les dépassent, pourquoi donc ? Parce qu'il nous laisse prendre notre distance avec l'histoire, sans nous laisser l'oublier pour autant, ou du moins la sous-estimer, afin de se concentrer pleinement sur ces images magnifiques d'un monde qui se remet perpétuellement en question...


Blade Runner est une chasse à l'homme qui, à ses prémices, n'annonce rien de très innovant par rapport à d'autres films noirs, mais elle puise sa véritable énergie dans cette esthétique post-apocalyptique et ce sentiment d'une ville plongée éternellement dans la nuit. Point de lumière venant du ciel, si ce n'est ces centaines de stores et ces panneaux publicitaires qui illuminent des ruelles délabrées.


Outre mesure, ce qui me convient parfaitement avec Blade Runner, à bien égards, c'est cette facilité à me laisser en totale communion avec son univers, visuellement époustouflant, et avec lequel il n'est pas rare d'entretenir une réelle connexion, sans me laisser penser une seule seconde que le scénario est pompiériste. Sous ses airs d'œuvre surannée, Blade Runner démontre la psychologie de ses personnages, et notamment de ses réplicants, à la seule force de sa caméra, et non pas de son écriture : leur gestuelle ou les objets qu'ils exhibent, sont autant de moyens pour eux de montrer qu'ils sont prêts à tout pour gagner l'attention de leur créateur, d'une quelconque divinité supérieure, de leur Dieu, tout simplement, pour que la vie leur soit ainsi accordé. S'enfoncer des armes dans une partie du corps, prendre un serpent autour de son cou, mourir comme un ange déchu à qui on aurait châtrer les ailes, renvoyer son âme vers l'origine de son existence, vers les cieux. Plutôt que de chercher quelque chose au-delà du monde, quand cette chose justement se trouve simplement au plus profond de soi. Voilà quelques éléments qui exposent toute l'admiration qu'on peut avoir pour Blade Runner et ce dernier m'apparaît, indirectement ou non, pertinent dans ses démarches contre-utopistes sans jamais en dire trop, laissant parler ses images. Et force de constater que cela porte ses fruits.


Pour s'extasier devant Blade Runner, sans risquer l'overdose ou l'ennui mortel, il ne faut pas vraiment le limiter à de la pure science-fiction, il s'agit plutôt d'une histoire inspirée d'un mythe de Pygmalion, un sculpteur grec tombé amoureux de sa statue : l'homme tombe mystérieusement sous le charme de ses créations (les réplicants), pour fuir le monde qui l'entoure, surtout quand ce monde ressemble au Los Angeles de Ridley Scott. Et cette judicieuse inspiration, si elle en est une, gagne en tonicité grâce à une des plus grandes bandes originales que le cinéma ait jamais connu.


Aussi indispensable aujourd'hui qu'incompris à l'époque de sa sortie.

Créée

le 14 mars 2016

Critique lue 758 fois

33 j'aime

4 commentaires

Eren

Écrit par

Critique lue 758 fois

33
4

D'autres avis sur Blade Runner

Blade Runner
Gothic
10

Le Discours d’un Roy

[SPOILERS/GACHAGE] Nombreux sont les spectateurs de "Blade Runner" à jamais marqués par le monologue final de Roy Batty, ce frisson ininterrompu le temps de quelques lignes prononcées par un Rutger...

le 3 mars 2014

261 j'aime

64

Blade Runner
SBoisse
10

“J'ai vu de grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion"

Comment aborder un chef d’œuvre ? Qu’est-ce qui fait son unicité ? Enfant, j’ai été enthousiasmé par L’île sur le toit du monde, Le jour le plus long, L’empire contre-attaque ou Les Aventuriers de...

le 7 déc. 2023

231 j'aime

20

Blade Runner
Nordkapp
10

Blade Runner rêve-t-il d'humains électriques ?

Toi qui crois regarder Blade Runner, ne vois-tu pas que c'est Blade Runner qui te regarde ? Il se moque quand tu hésites la première fois. Il te voit troublé par Rick Deckard, ce Blade Runner effacé...

le 9 juil. 2014

231 j'aime

25

Du même critique

Babylon
Eren
10

Mille & une cuites

On le sait depuis quelques jours, le film de Chazelle a fait un gros bide pour son entrée au cinéma. Je ne vais pas m’étaler sur la question du pourquoi et du comment de ce bide, même si cela a...

Par

le 6 janv. 2023

125 j'aime

25

Les Sentiers de la gloire
Eren
10

La Fureur de l'Étranger

Je la tiens pour de bon. L'oeuvre de Stanley Kubrick la plus touchante et humaine. Pour moi j'entends... L'oeuvre qui, quand on me citera le nom de son réalisateur, me reviendra à l'esprit avant...

Par

le 8 févr. 2014

122 j'aime

7

Mad Max - Fury Road
Eren
8

POPOPO !!

Un putain de grand concert dans un monstrueux désert, flambé par le talent de confectionneur de ce cher Miller qui, au contraire d'être avantagé, aurait pu être surmené par l'handicap que génère ce...

Par

le 14 mai 2015

118 j'aime

5