Je la tiens pour de bon. L'oeuvre de Stanley Kubrick la plus touchante et humaine. Pour moi j'entends...
L'oeuvre qui, quand on me citera le nom de son réalisateur, me reviendra à l'esprit avant toutes les autres.
« Les Sentiers de la gloire » qu'elle s'appelle !
Sentez donc ce titre d'affiche brumeux qui réussit à lui seul à titiller mon appétit pour la première guerre mondiale. Ses tranchées, ses trous béants, sa boue, ses rats et ses bombes de débandade.
Ce n'est pas uniquement un film de conflits, ni un film de politiciens poilus et poilants. C'est "un tout" quasi-parfait. Un pan entier sur les chocs causés par la guerre et surtout, bien plus que la magnifique attaque du régiment dans le No man's land porté par le saint Douglas : c'est une critique de l'individualisme inavoué.
Stanley ne narre pas n'importe quelle histoire n'importe comment. L'arrivisme odieux, les pensées dominantes de l'hiérarchie, le nationalisme aveuglant et le concept d'exécution exemplaire : toutes ces notions morales, liées au peuple par le peuple pour le peuple, forment un ensemble infaillible. Les dialogues sont excellents et chaque mot sert minutieusement à développer l'intrigue. Il n'y a pas de blabla inutilement complexe et de complexité inutile. Stanley entremêle les genres, telle est son habitude et, comme je l'ai dit au début de ce billet, il ne m'a jamais autant bouleversé que dans ce long-métrage ; de part en part et à mesure que l'intensité monte, la séquence finale prise d'empathie et jouée en mélodie a finie par m'achever.
Ces soldats dont le visage se tait, ces figures qui s'évitent un maximum l'impertinence en présence de leur supérieur. Ce sont des outils de guerre en perte d'identité, et par ce biais ils sont écrasés par l'esprit de leur patrie.
Pour cela il suffit de se servir d'un seul exemple : remémorez-vous l'un des premiers passages dans les tranchées quand le Général salue ses hommes et réitère les mêmes questions, le troisième d'entre eux qu'il aborde est figé sur place, son air pétrifié et ses yeux mouillés le font douter sur lui-même.
Une peinture idyllique d'un enfer destructeur. Voilà ce qu'est Paths of Glory.
Formellement efficace, voire fascinante et foncièrement puissante, voire tranchante.