L'art du dépouillement

Lorsque l'on regarde Blade Runner 2049, on sent que Denis Villeneuve a voulu respecter certains points forts de l'oeuvre originelle de Ridley Scott. On pourra respecter cela, car c'est magistral.
Les décors sont magnifiques de détails, de grain, de sophistication, avec ce côté analogique proche de Christopher Nolan. Les paysages sont uniques, il y a un certain dépouillement dans le chaos. On sent que l'homme du futur proche n'est pas encore prêt à se mettre à la page de l'écologie puisqu'il laisse globalement d'énormes espaces propices à l'abandon après les avoir exploité et pollué.
Cet abandon omniprésent est bien entendu le fil conducteur du film, comme l'original.

La technologie est proche de la réalité, la machine du futur ressemble à un bon vieux appareil photo reflex analogique aux multiples lentilles. On se souvient forcément dans le premier episode de ce moment où Deckard se baladait dans une photographie en passant de la 2d à la 3d. Il y a dans cette suite d'autres trucs technologiques très réfléchis où l'outil mêlé à l'IA complètement assimilée "en apparence" a quelque chose d'ultra réaliste. Rien que pour cela, pour cette esthétique du futur il faut voir le film.

Autre point commun enfin, le rythme. Ce film a le même souci que sa matrice. Quelque chose de trop visuel, un poil trop sophistiqué, un dépouillement de dialogues qui donne une lenteur agréable propice au regard qui peut se promener sur tous les riches éléments esthétiques. Cette balade un peu longue, permet aux scènes d'actions de s'étirer elles aussi et je peux comprendre qu'il est difficile pour ce genre de film de "marcher" au box-office, mais n'étais-ce pas déjà le problème du premier episode? Il m'était arrivé plusieurs fois de le regarder et de m'endormir devant. Mais ce n'était pas un problème, car le film pouvait être repris en cours de route.

On ne pourra donc pas reprocher à Villeneuve son côté bon élève, son travail sur ce film est impressionnant, je lui reprocherais volontiers de ne pas avoir réussi à dépasser l'oeuvre originelle. Un peu comme l'élève qui par respect n'ose pas dépasser le maître. J'ai été personnellement bouleversé par "Premier Contact", et je m'attendais à avoir le même genre d'émotions avec Blade Runner 2049. Mais ça n'a pas pris... On pourra dire que le vide émotionnel des héros du film est global, au point de nous provoquer que très peu d'émotions. Il y a quelques effets "wow" magnifiques, mais cette corde là, la corde émotionnelle n'est pas jouée sur ce film. La musique qui peut booster cela est elle aussi très dépouillée, je m'attendais à quelque chose de trop riche, et c'est finalement très minimal. Le synthé est analogique et il vrombit, sa fréquence est crescendo mais elle est maladroite aussi, car parfois c'est insoutenable dans les scènes de tension.

Ce film est à voir et surtout à revoir.