Malgré les différences visuelles, les deux films sont à mettre sur le même plan, alors qu'ils développent des aspects différents. Le premier était un brouillon majestueux, le second un développement sombre, qui mise davantage sur le thriller, tout en prenant son temps pour développer ses séquences. Là où le premier film accumulait constamment plusieurs concepts au cours d'un même moment, le successeur étale la matière, parfois trop, mais avec un savoir faire qui permet la focalisation, et quelques idées. C'est en cela que ces deux films parviennent à faire illusion : en compensant le postulat initial minimaliste par un univers géant.


Mais la raison de mon manque d'adhésion profonde à Blade Runner en tant que saga vient du postulat d'androïde. Des surhommes améliorés qui de par leur fabrication, sont montrés comme dépourvu d'âme ou de valeur existentielle, justifiant dès lors leur utilisation comme esclave. Ce postulat me semble vain. Car dès le début, on constate immédiatement que ces êtres artificiels ont une sensibilité, une âme, une conscience (boostée par des sens plus aiguisés). A partir de là, le film veut constamment prouver que ces êtres agissent comme des humains. Mais nous en sommes déjà convaincu, et toutes ces séquences tournent alors un peu à vide, puisqu'elles redémontrent un fait déjà acquis. On met très facilement au point une technique pour classer les bons et les mauvais films de SF qui pratiquent ce stratagème : persuadez vous que les personnages esclaves sont des humains, et vous verrez si ce qui arrive dans la suite de l'histoire est intéressant ou justifie votre attention. A ce jeu, blade runner s'en sort très moyennement. Le meilleur exemple de ce phénomène doit être le méconnu Automata. Un cas curieux qui aurait dû transcender les fans de hard SF lors de sa sortie en DTV, puisque ce film transpose très fidèlement l'univers de Blade runner en lui donnant un côté plus désertique, et en remplaçant les androïdes par des robots classiques, qui dépendent alors des 3 lois d'Aasimov. Les 40 premières minutes sont un condensé de SF sérieuse, avec le mystère, les avancées technologiques, les petits messages sociaux, tout ce qui fait un bon film. Puis on se tape les robots qui ressentent de l'affection, qui font des peintures, qui veulent danser, découvrent la cruauté humaine... On se retrouve dans les bas fond de Chappie, le robot mongoloïde qui voulait nous faire croire qu'il ressentait la douleur quand son bras en plastique brûle. Tout redevient d'une naïveté bétifiante qui a l'impression de nous offrir une découverte vierge (parce que le personnage a une conscience humaine... mais ça, on l'a déjà compris, et devoir se refader les bases de la conscience humaine, ce n'est pas cela qui fait un propos élaboré). Voilà ce que je résumerais par la pesante formule post-pré-humanité.


Blade Runner, ou l'échec d'un concept qui croyait renouveler en dépoussiérant une vieille recette. Dans cette optique, certaines critiques ont trouvé que 2049 pouvait être un développement de Her. Mais Her tapait dans des sentiments humains nettement plus tangibles, denses et complexes. Pour la scène du ménage à 3, qui a fait couler un peu d'encre, c'est une prostituée qui est payée par une IA pour faire l'amour à son maître à sa place, sous projection holographique. Dans Her, nous avions une IA indépendante qui avait une relation amoureuse avec son maître, qui développait une relation affective avec une femme esseulée (et vraisemblablement accro aux forums de discussions) et décidait de les faire se rencontrer pour tenter également le plan à 3, ici sans hologramme pouvant compléter l'illusion. Rien que dans la description, la complexité de Her et son analyse est sans comparaison. Ainsi, si Blade Runner 2049 propose un travail plus abouti et précis que son prédécesseur, il ne va pas vraiment loin dans le domaine de la SF. Il n'est pas toutefois dépourvu de subtilités sentimentales (Villeneuve sait comment entretenir le suspense et l'intérêt pour ses personnages), et son côté varié (un peu du mélange culturel de l'ancien blade runner, un peu de her, un peu de cyber punk, un goût pour les espaces imposants...) entretient le spectacle au long de son imposante durée.


Le flop est finalement injuste, mais prévisible dans le court terme, car Blade Runner n'est une référence que pour la SF. Le public moderne, à moins d'un succès populaire encore ancré dans la mémoire, n'a pas de grand égard pour les totems de la communauté cinéphile. Nombreux sont ceux qui vous diront que 2001 est génial sans l'avoir vu ou sans vouloir le revoir. Et qui ne se déplaceront pas pour voir celui qui se prétend être leur descendant. Alien, avec son côté horrifique et ses lettres de noblesses (Cameron et Scott) n'a pas de soucis à se faire. Mais dans l'optique du succès avec de la SF, les projets qui se sont révélés les plus rentables sont Avatar, les star wars, les transformers (deux sagas que je ne classerais même pas en SF), puis arrivent ET et les gardiens de la galaxie. Aucun film de SF sérieuse (Avatar propose quelques idées tout de même, assez pour être un divertissement fourni et accessible). Mais le temps travaille pour les chefs d’œuvres, alors autant se révéler patients, et confiants. Je ne pense pas toutefois qu'il s'imposera comme son prédécesseur, à moins que Villeneuve ne continue à maintenir sa réputation de grand réalisateur.

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le 14 janv. 2018

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