Un jour mon torero viendra...
Apparemment, la revisite du conte de Blanche-Neige est à la mode. Alors que l’on croise la fadasse Kristen Stewart en princesse à armure et que l’on tient à peine dix minutes devant l’ignoble Blanche-Neige avec la toute-en-sourcils fille de Phil Collins, la véritable révélation nous vient d’Espagne.
Lançant le film au hasard, alors qu’une collègue venait de m’en faire l’article, quelle ne fut pas ma surprise de m’apercevoir au bout de dix minutes, que non le dialoguiste n’était pas décédé d’une crise cardiaque mais qu’il s’agissait bien d’un film muet. En noir et blanc et en 16/9.
Soit. Je baisse la lumière et m’enfonce dans ma chauffeuse.
Dès les premiers accords de guitare, le rythme est lancé et à aucun moment je n’ai trouvé qu’il manquait de parole à cette histoire merveilleusement contée. Bien sûr, l’on reconnaît Blanche-Neige, mais il y aussi un peu de Cendrillon mais surtout, surtout, le conte est malmené et tordu pour le rendre contemporain et glauque par moment. Le film oscille donc constamment entre une certaine vision de la réalité et une volonté de toucher à la fable. L’héroïne devient fille de torero et grandit chez sa marâtre, ancienne infirmière de son père qui fut encorné le jour même de la naissance de sa fille ! Berger ajoute également la notion de traumatisme, de perte de mémoire, permettant d’insérer dans son film une parenthèse superbe qui constitue la rencontre avec les nains. Jusqu’à ce que la belle retrouve ses souvenirs en un montage jouissif. Le personnage de la belle-mère est lui aussi savoureux car sa vanité n’est pas celle d’une femme face à la solitude d’un miroir parlant mais bien celle d’une opportuniste croqueuse de diamants qui veut faire la couverture des magazines à la mode.
De plus, la réalisation de ce Blancanieves est soignée et le montage est également absolument prodigieux. Berger offre alors un superbe hommage au Muet, prouvant que les images parlent souvent d’elles-mêmes et que la musique peut jouer un rôle de choix dans le développement de l’intrigue.
Et que dire de cet ultime plan, renversant d’ironie et de cruauté, violent pied de nez à Walt Disney ? Il boucle ainsi un film totalement maîtrisé tant dans sa forme que dans son propos.