Un calvaire sans nom !
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le 17 avr. 2019
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Les films d’Anne Fontaine se suivent et ne se ressemblent pas. Rien que pour cela, la cinéaste mérite toute notre attention. Son dernier film, Blanche comme neige, fait partie d’une œuvre protéiforme allant de la Fille de Monaco (un Fabrice Lucchini en verve face à une sculpturale Louise Bourgoin), aux Innocentes (magnifique récit relatif au viol de sœurs polonaises par des nazis), en passant par une très dispensable adaptation d’En finir avec Eddy Bellegueule, le très beau livre d’Edouard Louis. Des thématiques très disparates, mais toujours la même envie de surprendre, ou peut-être de se surprendre et de s’amuser. Ça passe ou ça casse, c’est selon, et on ne peut pas toujours expliquer pourquoi.
Ici, c’est le conte des frères Grimm, Blanche Neige, qui est le matériau leur ayant servi de point de départ, à elle-même et à son coscénariste de luxe, Pascal Bonitzer. Ce conte est sujet à de multiples interprétations, avec la présence de ces sept nains vaguement esclavagistes, de cette marâtre et des sévices qui lui sont attribués, de ce long sommeil à la Belle au bois dormant d’une femme que seul le baiser d’un homme, un vrai, pourra interrompre, ou encore de ce passage initiatique de la petite orpheline à la jeune fille en fleurs. Tout était donc possible, l’angle du féminisme, de l’éveil du désir, et tutti quanti. Anne Fontaine choisit la thématique du désir avec sa Blanche Neige, Claire dans sa vraie vie, interprétée par une Lou de Laâge que l’on a également vue dans Les Innocentes. Une Blanche Neige plus proche de la création de Disney, car les sept nains sont caractérisés, avec un grincheux Damien Bonnard (également un simplet au travers de son jumeau) ou un Vincent Macaigne en violoncelliste introverti, ainsi que d’autres « nains » aussi bankable que Benoît Poelvoorde et Jonathan Cohen.
Blanche comme neige tire vers la comédie, pas forcément le point fort d’Anne Fontaine qui n’a jamais été aussi excellente que dans le très sombre Nettoyage à sec ou -encore et toujours- dans les sublimes Innocentes. La cinéaste débute son film très peu de temps avant que Claire, poursuivie par un assassin à la solde de sa belle-mère Maud (Isabelle Huppert, une fidèle d’Anne Fontaine) ne se perde dans la forêt, comme dans le conte. En effet, Maud craint que son amant (Charles Berling) ne lui file entre les mains, au profit de Claire. De ce fait, le côté passage et initiation est un peu flou pour ne pas dire raté. Car Claire apparaît trop soudainement et de manière erratique en proie à du désir sexuel (que la jeune actrice figure d’ailleurs plutôt bien à l’écran). On ne sait pratiquement rien de sa vie d’avant, et rien ne justifie son revirement. En réalité, le point d’orgue du film semble être là, dans cet éveil au sens qui ne connaît aucune limite, sans trouver beaucoup d’écho dans le reste du métrage qui ne s’attache qu’à tenir la promesse de la fidélité au conte, sans apporter beaucoup plus de contenu au film.
Pour qui a apprécié le splendide Blancanieves de l’Espagnol Pablo Berger, tout en symboliques structurantes en plus d’une beauté formelle inoubliable, le film d’Anne Fontaine peut paraître décevant. Bien que la veine comique choisie par la cinéaste justifie d’une direction toute différente de celle de Berger, un pari d’ailleurs assez réussi puisqu’on rigole plus d’une fois à la projection de Blanche comme neige, on ne peut s’empêcher de comparer la profondeur et la richesse du film de Pablo Berger à la légèreté de celui de la Française. On s’amusera tout de même dans ce dernier film à identifier les stéréotypes du conte, et on aimera la fluidité d’un film presque exclusivement constitué d’un casting all star hyper-performant. On se laissera séduire par les magnifiques plans de montagne d’Yves Angelo, et bercer par la musique vaguement inquiétante de Bruno Coulais. On finira malgré tout par admirer en Anne Fontaine une formidable cheffe d’orchestre, ce qui lui a après tout permis depuis ces vingt et quelques années d’embrasser tant de films si différents.
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Créée
le 24 avr. 2019
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