Faites-nous rire. Faites-nous rire pour évacuer tout ce que vous nous faites vivre en 1h30.
Blanche Gardin est très forte. Et je ne pensais pas redécouvrir du théâtre de ce genre. Ou plutôt un théâtre sans genre, mélangeant drame, comédie, tragédie, avec des traits de théâtre de boulevard et de l’absurde. Mais ça reste de l’humour, cru, violent, malaisant. Et on rit. Je pense que c’est ce que veut Blanche, que l’on rit. Alors que derrière son discours, on pourrait presque croire qu’elle espérerait qu’on ne rit pas. Parce qu’en vérité, on se cache derrière notre rire. On accepte tout ce qu’elle déballe avec peut-être une demi-seconde de surprise, d’effarement, pour finalement éclater de rire et arriver à avaler. Puis digérer, ou oublier pour les plus sensibles.
Je pense que c’est là son plus grand message, son plus grand coup de maître. Elle nous sert ce qu’elle a de plus immonde à offrir, pour nous extraire le dernier sentiment auquel on aurait pensé : la joie. Elle met des mots interdits sur des choses interdites en usant de belles phrases, sur des sujets toujours plus vrais.
J’aime Blanche Gardin parce qu’elle n’a pas de limite. Elle a un personnage (vrai ou pas là n’est même pas la question) qui se permet des choses inouïes, impossibles qui mettraient mal à l’aise la planète entière. Mais elle a un succès phénoménal et tout le monde est bien obligé, contraint de clamer son génie. Même si beaucoup d’articles ont peur de citer des passages qui font peur aux rédacteurs, même si la plupart des sujets abordés dans ce spectacle resteront encore tabou quelques décennies, et même si on rigole en pensant que Blanche est complètement déjantée, folle à sa façon, décalée et interdite.
En réalité, Blanche est tout ce qu’il y a de plus vrai sur cette Terre. Elle est ce que nous ne voulons pas être mais sommes malgré nous. Elle est ces défauts que chacun décide de refouler, de cacher, elle est cette noirceur que l’on cache tous les jours en éclatant de rire.
Il est bon de rire, et j’ai ri comme tout le monde. Mais je sais pourquoi je ris, et je remercie Blanche pour ce recul incroyable que l’on prend en sortant de ce spectacle. Personne d’autre n’aurait pu te remettre ton prix Molière.