Magie éternelle
Si j'adhère totalement, et ce enfant ou non, à l'animation japonaise ou Pixar, je dois reconnaître mon inculture totale en ce qui concerne Disney excepté Fantasia, petite pépite découverte il n'y a...
le 23 déc. 2015
72 j'aime
26
Long-métrage d'animation de William Cottrell, David Hand, Wilfred Jackson, Larry Morey, Perce Pearce et Ben Sharpsteen (1937)
Blanche-Neige (Schneewittchen) voit le jour en 1812 dans un conte des Frères Grimm, eux-mêmes ayant basé leurs idées sur un mythe germanique pour donner vie à cette histoire bien connue.
Walt Disney en tire fortement son inspiration, choisissant de ne pas représenter certains éléments (la mort de la mère de Blanche-Neige à sa naissance) et ne modifiant que certains détails (le Chasseur doit ramener le foie et les poumons de la jeune fille, il choisit de tuer un marcassin à la place, la Reine dévore les organes du marcassin sans se douter que ce ne sont pas les organes demandés, elle se transforme en sorcière et non en vendeuse...). Certains éléments sont aussi tirés d'autres contes : la belle-fille en guenilles qui lave sa maison comme dans Cendrillon, et le baiser salvateur comme dans La Belle au Bois Dormant.
Blanche-Neige et les Sept Nains est le premier long-métrage d'animation Disney et le tout premier long-métrage parlant et en couleurs. Inutile de dire qu'il est aussi le premier à avoir suscité un tel impact sur le public aux Etats-Unis comme en Europe. Walt Disney souhaitait vraiment réaliser un long-métrage pour obtenir un bénéfice budgétaire (les courts-métrages n'étant pas suffisamment rentables) et pour pouvoir mieux développer une intrigue et des personnages. Il prend des risques importants en investissant près d'1,5 million de dollars, budget qui marque un record pour l'époque, mais le film est largement rentabilisé par son succès qui dure depuis près d'un siècle. De nombreux prix lui furent décernés, parmi lesquels un Oscar d'honneur avec la mention « Innovation indiscutable dans le domaine de la cinématographie ayant charmé des millions de spectateurs et ayant ouvert au cinéma de vastes perspectives ».
Il y a beaucoup à dire sur Blanche-Neige et les Sept Nains. Je ne compte plus les diverses interprétations sociologiques et psychologiques, voir spirituelles et psychanalytiques qui ont été réalisées sur le conte et le film lui-même. Je ne sais pas s'il y avait une volonté forte chez les Frères Grimm et Walt Disney de faire passer un message, mais il semblerait qu'il soit nécessaire aujourd'hui de trouver un sens dans toute chose. Mais si Blanche-Neige cherche à nous faire passer un message, quel est-il ?
Pour ma part, je perçois dans ce dessin animé une saveur aigre-douce. Aigre, car il y a tant de choses que je pourrais remettre en question. Et douce, car je ne peux m'empêcher de me laisser envoûter malgré toutes ces choses.
Je tiens à signaler que Blanche-Neige et les Sept Nains n'a jamais compté parmi mes Disney favoris. Enfant, je réclamais toujours Robin des bois, Mulan, Nemo ou Monstres & Cie. Probablement parce que mes parents ne m'ont pas éduquée en fonction des codes de genres et qu'ils m'ont laissé la liberté de choisir entre les Barbies et les petites voitures... J'ai longtemps ressenti beaucoup de réticence envers les dessins animés de princesses, que je n'ai appris à aimer qu'à la fin de mon adolescence.
A l'heure actuelle, on n'oserait plus sortir un film comme Blanche-Neige et les Sept Nains, à moins d'en faire une espèce de Blanche-Neige et le Chasseur. C'est d'ailleurs pour cela que Disney choisit d'adapter Dumbo, Le Roi Lion ou Mulan. Et il est aisé d'en comprendre les raisons.
Il y a selon moi trois choses qui doivent hérisser les poils de plus d'une personne. Et je ne parle même pas de Blanche-Neige qui exploite les animaux de la forêt pour qu'ils viennent faire le ménage...
Premièrement, tout dans Blanche-Neige et les Sept Nains semble chercher à véhiculer une image de la femme idéale des années 1930. Peut-être que les seuls responsables sont les Frères Grimm et que je ne devrais rien reprocher à Walt Disney ? Peut-être l'héroïne représentait-elle le plus grand fantasme de ce dernier ? Ou peut-être que tous les hommes percevaient les femmes de cette manière à l'époque de la conception du film ? Quoi qu'il en soit, Disney nous présente là, sur un plateau d'argent, tous les ingrédients pour être une femme parfaite :
Deuxièmement, le film, bien qu'il est loin d'être le seul, véhicule une vision de l'amour tout à fait biaisée :
Troisièmement, je tenais à revenir sur le travail des Nains et à faire un parallèle avec Le Nouveau Gulliver, long-métrage d'animation russe sorti deux ans plus tôt. Dans ce dernier, on y voit également des ouvriers travaillant dans les mines. Mais là où Le Nouveau Gulliver véhicule un message de propagande marxiste, faisant comprendre aux petits enfants spectateurs qu'il est inadmissible que le peuple ait à travailler pour les bourgeois, Walt Disney ne semble pas se préoccuper outre mesure du destin funeste de ses Nains. Ceux-ci travaillent avec acharnement, mais toujours de bon cœur. Ils devraient même siffler en travaillant et rentrer du boulot en chantant...
Malgré tous ces éléments (je sens déjà venir les pouces vers le bas de tous ces hommes anti-féministes et anti-gauchistes), doit-on complètement rejeter Blanche-Neige et les Sept Nains sous prétexte qu'il ne respecte pas les valeurs défendues en 2020 ?
Je pense que ce film doit avant tout être considéré comme un précieux témoignage d'un mode de pensée et d'une culture, bien que cette société misogyne fusse en réalité celle de nos arrière-grands-parents, eux-mêmes ayant élevé nos grands-parents, qui ont à leur tour éduqué nos parents...
Mais qu'auraient été la vision de la femme et de l'amour à travers le 20ème siècle si Blanche-Neige et les Sept Nains n'avait jamais existé ? Et peut-on vraiment rejeter la faute sur un simple dessin animé (bien que celui-ci ne soit pas un « simple » dessin animé) ?
Saveur aigre, donc, car je ne sais que penser de tous les éléments cités plus hauts. Mais aussi une saveur douce, parce que Blanche-Neige suscite mon admiration, malgré tout ce qu'on peut dire de négatif sur ce film.
Tout d'abord, le graphisme est une véritable prouesse technique pour l'époque. On peut presque ressentir le relief entre les différents plans, grâce à l'utilisation de la caméra multiplane, déjà utilisée par Lotte Reiniger dans Les Aventures du Prince Ahmed. Pour un premier long-métrage d'animation en couleurs, je trouve les couleurs très réussies, déjà pleines de nuances. La brume et les éclairs semblent tellement fluides et naturels qu'on oublierait que le film est l'un des précurseurs du cinéma d'animation.
Je retiendrai principalement l'instrument de musique, à mi-chemin entre le piano et l'orgue, ainsi que l'horloge, tout deux étant de véritables productions d'ingéniosité.
Si certains passages ont sûrement effrayé plus d'un enfant, ils m'ont par contre subjuguée. Je pense notamment à la scène de la forêt, avec les arbres et les oiseaux qui semblent vouloir s'en prendre à Blanche-Neige, et la scène de la métamorphose de la Reine en sorcière. Le montage est efficace et permet de percevoir toute l'intensité de la situation et l'angoisse de Blanche-Neige face à cet univers dangereux. Je regrette même que ces scènes soient si courtes, par comparaison à d'autres.
Si je devais reprocher une chose au film, ce serait justement la répartition des scènes. Du commencement jusqu'à l'arrivée chez les Nains, tout semble se dérouler très rapidement. On oublierait presque comment Blanche-Neige est parvenue jusque là. Puis pendant 45min, soit plus de la moitié du film, l'intrigue se déroule chez les Nains. Il ne se passe pour ainsi dire pas grand-chose et on sent que Walt Disney a dû prolonger le film pour qu'il puisse atteindre la durée d'un long-métrage. Quoi de plus efficace que de rajouter de nouvelles chansons, une pour chaque nouvelle action et d'utiliser les Nains comme personnages humoristiques pour ajouter une touche de légèreté à son oeuvre.
Bien que la personnalité des Nains et l'humour demeurent fort élémentaires, davantage destinés à satisfaire les enfants, j'ai beaucoup apprécié certaines idées. Je pense notamment à Prof qui ne cesse de se tromper dans son vocabulaire, ou encore le nœud de moustache réalisé pour empêcher Atchoum d'éternuer. La scène la plus drôle reste pour moi celle où Blanche-Neige tente de convaincre les Nains de se laver. En percevant les choses avec beaucoup de recul, cette scène devient complètement absurde, et d'autant plus comique.
Un dernier point sur lequel j'aimerais insister est celui de la musique. Les différents morceaux du film resteront gravés dans nos mémoires, parce qu'il est presque impossible de ne pas se laisser porter par l'enchantement de la voix de Blanche-Neige sur un fond de musique classique (ou de Yodel). On est encore très loin des « Libérée, délivrée » et des voix stridentes des princesses actuelles.
En conclusion, Blanche-Neige et les Sept Nains restera un dessin animé qui enchantera les enfants naïfs et insouciants, qui ne s'encombreront pas d'idéaux féministes ou marxistes, et il continuera d'enchanter les adultes nostalgiques en quête de rêve bleu (ou plutôt jaune, bleu et rouge).
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films d'animation Disney, Les meilleurs films d'animation (dessins, 3D, etc.), Les meilleurs dessins animés, Les meilleurs films primés à la Mostra de Venise et Les meilleures comédies musicales
Créée
le 21 janv. 2020
Critique lue 154 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Blanche-Neige et les Sept Nains
Si j'adhère totalement, et ce enfant ou non, à l'animation japonaise ou Pixar, je dois reconnaître mon inculture totale en ce qui concerne Disney excepté Fantasia, petite pépite découverte il n'y a...
le 23 déc. 2015
72 j'aime
26
Vous allez penser que je suis fou, inconscient, que je n'ai rien d'autre à faire ou que je suis tout simplement con. Et vous aurez probablement raison. Toujours est-il que par une nuit noire et...
Par
le 27 févr. 2015
57 j'aime
16
Je vais parler ici de ma première expérience de cinéma. Le premier film que j'ai vu en salle. Je dois avoir 5 ans et il pleut. Je suis en compagnie de ma marraine (si vous me redemandez ailleurs si...
Par
le 20 nov. 2017
42 j'aime
10
Du même critique
Tout commence en 1991 lorsque Bernard Werber, célèbre écrivain français, se lance dans la rédaction de sa trilogie du Cycle des Fourmis. Il y dépeint les fourmis comme des insectes complexes et très...
Par
le 7 mars 2020
7 j'aime
Après avoir enchaîné deux déceptions l'année précédente, dues au faibles recettes de Pinocchio et Fantasia, Walt Disney compte bien relever le niveau, mais sans prendre cette fois le risque...
Par
le 24 janv. 2020
4 j'aime
Les Sept Corbeaux voit le jour quelques semaines avant Blanche-Neige et les Sept Nains. Il s'agit du deuxième long-métrage d'animation allemand, après Les Aventures du Prince Ahmed, réalisé par...
Par
le 21 janv. 2020
3 j'aime