Deux grandes oreilles attachantes suffirent pour faire décoller Dumbo

Après avoir enchaîné deux déceptions l'année précédente, dues au faibles recettes de Pinocchio et Fantasia, Walt Disney compte bien relever le niveau, mais sans prendre cette fois le risque d'investir le même budget que pour ses trois premiers films. Il se lance alors deux défis : celui du Dragon Récalcitrant, court-métrage documentaire mêlant prises de vue réelles et animation, et celui de Dumbo.
En 1941, le Studio Disney est affaibli par une grève qui a pour conséquence la perte de nombreux animateurs (notons d'ailleurs cette référence dans Dumbo, où l'on voit les clowns qui cherchent à frapper leur patron pour avoir une augmentation...).
Pour des raisons commerciales, Walt Disney prend donc la décision de faire de Dumbo un film d'animation beaucoup plus épuré que Pinocchio, qui comporte quant à lui beaucoup d'éléments et de personnages. Le ton adopté est plus léger, davantage accessible aux âmes d'enfant. Les décors sont moins fournis, le rythme beaucoup moins soutenu. Le film est particulièrement court, et il ne se passe pas grand-chose. Mais malgré sa brièveté et les nombreuses économies réalisées durant sa production, Dumbo parvient à émerveiller et émouvoir son public et remporte même un Grand Prix à la seconde édition du Festival de Cannes.


L'histoire de Dumbo est inspirée du livre éponyme de 1939, imaginé par Helen Aberson et illustré par Harold Perl, ainsi que du Vilain Petit Canard, conte pour enfants rédigé en 1842 par Hans Christian Andersen, ayant pour thème principal la différence.
Une des plus grandes modifications apportées par Disney, par rapport au récit de 1939, est d'avoir fait du compagnon de Dumbo une souris au lieu d'un rouge-gorge, mais très peu d'informations sur l'histoire d'origine ont traversé le temps.


L'histoire semble bien linéaire, si ce n'est que Dumbo réalise tout de même trois aller-retour entre le wagon et le chapiteau de spectacle.
Si je devais reprocher quelque chose à la structure du film, ce serait cette fin, qui me semble beaucoup trop expédiée. Après la scène des bulles (appelons-la comme ça), Dumbo et Timothée se réveillent et de nouveaux personnages font leur apparition, alors qu'il ne reste plus que dix minutes pour terminer le film. Dix minutes durant lesquelles un corbeau fait remarquer à Timothée qu'ils se trouvent suspendus sur un arbre, puis ils réalisent que Dumbo sait voler. S'ensuivent alors la chanson « Voir voler un éléphant », les séances d'entrainement pour faire voler l'éléphanteau, puis le spectacle où Dumbo réalise son exploit. Enfin, dans la scène finale, nous voyons Dumbo voler avec les oiseaux par-dessus le train qui reprend sa tournée.
Le film prend fin avec un happy end, mais il semblerait que des étapes aient été brûlées. Les éléphantes si désagréables avec Dumbo semblent soudain l'apprécier, et Madame Jumbo se voit décerner un luxueux wagon... On suppose qu'elle a pu être libérée grâce à l'exploit de Dumbo, mais pourquoi ne pas le représenter ? Et s'il était vraiment nécessaire que l'éléphanteau parvienne à réaliser quelque chose pour se faire apprécier, pourquoi ne pas nous l'expliquer ? Cela aurait permis un nouveau développement des personnages secondaires, non seulement des éléphantes, mais aussi du personnel du cirque.
En parlant du personnel du cirque, il semblerait que Disney l'ait volontairement rendu absent. Peut-être est-ce parce qu'il voulait éviter de créer une reproduction de Stromboli, le patron du théâtre dans Pinocchio, ce qui aurait détérioré le côté plus léger de Dumbo ? Ou est-ce parce que la volonté de Disney était de représenter l'univers des animaux de cirque, uniquement de leur point de vue ? Cela expliquerait pourquoi on perçoit les hommes principalement sous forme d'ombres dans le chapiteau. Finalement, seuls le groupe de jeunes garnements et le maître du cirque, Monsieur Loyal, apparaissent véritablement à l'écran.


Quant aux autres personnages, je ne les ai pas trouvé particulièrement intéressants.
Timothée est finalement très similaire au personnage de Jiminy Cricket. Avec lui, il partage la voix française de Roger Carel, ce qui contribue fortement à les associer. Comme lui, il devient l'adjuvant modèle-réduit de Dumbo, en effrayant les éléphantes qui craignent les souris pour qu'elles arrêtent de l'humilier. Mais contrairement à lui, Timothée n'a pas ce côté nuancé, entre humoristique et moraliste.
Les quatre éléphantes ne possèdent pas chacune une personnalité propre. Seule l'une d'entre elles semble plus âgée et directive, mais elles sont toutes aussi désagréables les unes que les autres. Nous pouvons donc remercier l'apparition du cinéma couleur pour avoir pu nous offrir un peu de variété dans la couleur de leurs habillements...
Madame Jumbo est le prototype de la maman protectrice, qui rêve constamment d'avoir un bébé et fait tout ce qui est en sa disposition pour le rendre heureux. On ne saura finalement pas grand-chose sur elle, ni sur la relation qu'elle entretenait avec les autres éléphantes avant l'arrivée de Dumbo, ni sur le potentiel père de celui-ci.
Quant aux corbeaux, comme cité précédemment, ils font leur apparition à la fin du film et vont aider Dumbo à s'envoler après s'être bien moqués de lui et avoir été rabroués par le discours de Timothée. Si le meneur du groupe, Jim « Dandy » Crow est assez sympathique, il n'en deviendra pas mémorable pour autant.
Il n'y a donc pas de véritable méchant, mais Dumbo doit constamment supporter le regard et les moqueries des autres, les seules personnes à l'accepter tel qu'il est étant Jumbo et Timothée.


Il ne reste finalement que Dumbo. Mais que dire de Dumbo ? Il est probablement le personnage le plus attachant de toute l'histoire de Walt Disney. S'il est vrai qu'il éternue de temps en temps, l'éléphanteau est par contre complètement muet et il transmet toutes ses émotions par son regard, ses expressions faciales et son mignon petit corps. Non seulement le graphisme du personnage est très harmonieux malgré (ou plutôt : grâce à) ses longues oreilles, mais en plus de cela, il contribue à transmettre au spectateur tout le caractère maladroit de Dumbo. Car le petit éléphant est très gauche, autant dans ses mouvements que dans la compréhension des codes sociaux. Il semble ne jamais réaliser que tout le monde se moque de lui et s'amuse tout seul de ses oreilles. Mais il n'est pas non plus stupide et inconscient, il finit quand même par s'épuiser d'être tourné au ridicule de cette façon et d'avoir été séparé de sa maman, et commence à développer un complexe.


Au niveau des graphismes, j'ai particulièrement apprécié les paysages, les différentes nuances du ciel lorsque le train effectue son périple, le travail des flammes et les couleurs du cirque.
Notons aussi cette différence de texture entre les différents plans, des décors à l'aspect d'aquarelles, jusqu'aux personnages aux traits plus contrastés.


Par opposition aux films précédants du Studio Disney, je ne dirais pas de Dumbo qu'il déborde de créativité. L'humour est assez simpliste, davantage destiné à faire rire les petits enfants.
Il y a cependant quelques chouettes idées, comme le générique de début, le parcours du train vu du ciel par la cigogne, à la manière d'une carte routière, le ballotin de Dumbo qui semble très pressé de mettre les pieds sur terre, la scène où la souris joue la voix du subconscient de Maître Loyal (scène qui inspirera d'ailleurs Disney dans un passage de Mulan), les hyènes qui rient en dormant, le train qui peine à gravir une pente...
Mais tout cela sans parler de la fameuse scène des bulles, séquence mémorable de Dumbo, emplie d'une inventivité psychédélique déroutante. Rappelons quand même que ce n'est pas la première fois que Disney représente des éléphants qui font des bulles...


En dehors de ce dernier passage, je retiendrai surtout la visite de Dumbo à sa maman, mise en quarantaine dans un wagon portant l'inscription « Mad elephant » et la chanson particulièrement émouvante « Mon tout petit ».


Mais en dehors de ces passages, que retiendra-t-on vraiment de Dumbo ? En effet, je pense que la richesse du film réside principalement à travers deux séquences et le personnage de l'éléphanteau, dont les deux grandes oreilles attachantes suffirent pour faire décoller Dumbo.

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le 24 janv. 2020

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Lilymilou

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