La puissance de la voix off

J'ai été bouleversé par Blank narcissus que je trouve brillant. Je crois n'avoir jamais été autant touché par une voix off (sauf si on considère les dialogues désynchronisés de l'image d'India song comme des voix off et sauf Hiroshima mon amour forcément). Voix off donc ici qui est le prétendu commentaire dvd du réalisateur d'un film homoérotique (pastiche et hommage au chef d'oeuvre du genre Pink narcissus) 50 ans après son tournage. La collision entre la sublime image sur-esthétisée du simili Pink narcissus des années 70 et la voix du réalisateur, vieillard en 2020 qui revient avec amertume sur son histoire d'amour avec l'unique comédien/éphèbe/muse qui brille de mille feux crée une autre histoire (comme dans le Macao de Jao Pedro Rodriguez) qui me transperce le cœur et me fait fantasmer sur tous ses commentaires audio de pornos gays des années 70 qui n'existent pas (tombés dans l'oubli, mort, sida). Il y a une poésie folle dans cette idée d'un film sous forme d'un faux commentaire audio de son réalisateur 50 ans après revenant sur une histoire d'amour malheureuse avec son acteur. On atteint la puissance d'un Almodovar dans Douleur et gloire quand metteur en scène et comédien se retrouve autour d'une pièce autobiographique 30 ans plus tard. Ce qui est aussi brillant c'est que la poésie des images d'une beauté folle semblent détruites par le prosaisme du commentaire (qui parle de prothèse de bite pour la fellation parce que l'acteur prévu avait la gonorhée, de faux sperme, de mauvaise bandaison etc.) mais la mélancolie de ce même commentaire qui déplore la fin d'une histoire d'amour, l'éloignement progressif, la flétrissure des corps mais conserve l'espoir de retrouvailles 50 ans après, crée une poésie plus forte encore et fait du court métrage la cristallisation d'une histoire d'amour passée.