« ... Personne n'a besoin de contextualisation sur les personnages, ce n'est tout simplement pas nécessaire, la connaissance de l'acte lui-même devrait suffire… Si vous pensez que vous avez toujours besoin de contexte, vous ne devez pas vous soucier de la souffrance dans ce monde… Où se pourrait-il que ce soit l'une des raisons pour lesquelles il y a tant de problèmes sur cette planète ? Parce que les gens ne se soucient pas de la souffrance des créatures anonymes ? … Je refuse strictement cette façon de penser. C'est pourquoi il ne doit y avoir aucune explication dans le film. Pas d'histoire préalable. Seulement l'acte et la nature de l'homme lui-même... »
- Marian Dora pour la promotion de « Blight Of Humanity »
Mon exploration du cinéma poisseux cruel et macabre de Marian Dora est un chemin aussi répugnant que poétique, le talent de fournir des cadres splendides et une photographie possédant le charme rétro certain, une musique mélodieuse et gentillette au piano en guise de bande sonore, le tout afin de nous gratifier de scènes abjectes d’humiliations, de tortures et de mise à mort d’une d’innocente jeune femme. Un décalage malaisant. Évidemment, ne cherchez pas de raison à ce déchaînement de cruauté, ni d’histoire, le sulfureux Teuton s’y refuse pour des raisons… Idéologiques !
On peut légitimement se poser la question d’une telle démarche quand – de toute évidence – et à la différence de 99 % des cinéastes de films extrêmes, Marian Dora possède un vrai talent. Les citations issues d’une interview de Dora venant ouvrir cette critique, je ne sais pas vraiment si elles me rassurent ou m’inquiètent. Elles me rassurent dans le sens ou la prétention du réalisateur semble être une mise en accusation de la nature humaine et sa profonde méchanceté, même si le nihilisme supplante tout espoir de sortie vers le haut. Cette accusation peut-être corroborée par un autre film, un petit documentaire d’un peu moins de 16 minutes sur la destruction de la forêt tropicale et l'extinction des orangs-outans, réalisé par le même Marian Dora (crédité sous son vrai nom). La nature est une alliée sacrée dans son cinéma, elle est magnifiée, idéalisée même. Mais au détriment de l’être humain…
En soi, ce nihilisme est déjà fort inquiétant, surtout quand on sait la profession qu’exerce le monsieur dans la vie civile (chef de service de chirurgie générale dans un hôpital), mais le caractère intrinsèquement radical du bonhomme survient dans sa vision du jugement sur la violence. Elle peut être comprise comme étant une défense proactive et intransigeante du vivant contre l’acte de cruauté, au détriment de toute contextualisation. Le jugement moral et objectif naît de l’acte de violence même, toute remise en contexte est jugée comme étant une relativisation de la cruauté. Dans « Blight Of Humanity », ce qui rend le propos de Dora profondément fasciste et relevant du refus catégorique de l’environnementalisme (perçu comme immoral), est que le bourreau pratiquant les actes de sadisme est un handicapé mental. Voilà pourquoi les personnages n’ont pas d’histoires, car leurs histoires et ce qu’ils sont ne devraient pas être une donnée du problème pour juger leur violence. Le propos est purement et simplement essentialiste.
MISE A JOUR : J’ai omis de parler du message principal du film, complétant celui sur la violence et la justice : « Blight Of Humanity » replace l’homme dans son animalité en mettant sur le même plan la violence de l’être humain sur les animaux (un cochon dans le film) et celui perpétré par les deux protagonistes masculins contre la femme. Un discours spéciste assez grossier, aussi subtil qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Une certitude m’anime depuis ma découverte de cet obscur cinéaste allemand, la violence n’est pas sans but chez lui, la « valeur choc » n’est pas la volonté dominante, contrairement à ce que prétendent ses détracteurs. Marian Dora s’enduit lui-même d’une odeur de soufre autour de ces films, de ses tournages « cauchemardesques », particulièrement pour les actrices et les animaux, etc. Le fait-il afin de constater la laideur humaine venant – malgré tout – visionner ses films. Assumant complètement une démarche underground, de confrontation, un cinéma qui ne doit attirer qu’un public bien défini, Dora aime jouer du supposé caractère d’illégalité dans la construction de ses films, d’où l’explication de son pseudo-anonymat (j’ai trouvé sa véritable identité en 2 min.)
Donc, Dora nihiliste ? … À vous de juger. Dans « Blight Of Humanity », Dora semble tenir un propos spéciste, essentialiste et fascisant.