Avec cette épidémie qui rend aveugle, Meirelles nous assène sa morale bien pensante sur l'aveuglement des hommes, qui sont obnubilés par leur confort matériel et ne voient plus le monde tel qu'il est.
Et le réalisateur ne nous épargne rien pour étayer sa démonstration : vision messianique de la voyante qui guide le troupeau d'aveugles, opposition bien / mal, inhumanité des autorités, retour aux valeurs bestiales. Meirelles nous apprend en gros que « nos sociétés modernes sont devenues inhumaines » et que « l'homme est un loup pour l'homme ». Révolutionnaire ! Mais c'est pas tant le propos qui gène, que la lourdeur démonstrative avec laquelle on nous l'impose (notamment cette voix off pompeuse qui nous fait la leçon), avec un échantillonnage de la race humaine façon pub Benetton, histoire de donner une impression d'universalité.
Mais ce qui est le plus agaçant, c'est le peu de crédibilité de l'intrigue. On imagine mal nos sociétés modernes (aussi déshumanisées soient-elles) réagir de cette manière, une mise en quarantaine aussi brutale, laissant des aveugles livrés à eux-mêmes. C'est d'ailleurs totalement illogique, quand il y a une épidémie, on tente de soigner les malades, du moins on les étudie pour trouver un traitement. Ici, on ne voit pas un bout de médecin, alors que parmi nos malades se trouve quand même le patient zéro.
La partie internement est également parcourue de facilités scénaristiques très désagréables. Le réalisateur y développe les rapports humains avec manichéisme, mettant d'un coté un groupe de gentilles victimes consentantes et de l'autre des méchants violeurs, chaque groupe dans son dortoir respectif. Mais dans l'Histoire, quand un groupe en domine un autre, c'est que le rapport de force est déséquilibré, souvent par une domination physique ou militaire. Or, là au contraire ils sont tous égaux, ils sont tous aveugles. Et ce n'est pas un aveugle avec un flingue qui va créer un rapport de force. Seule la voyante pourrait avoir un véritable pouvoir sur le groupe. Cela devient donc complètement incohérent et frustrant de la voir accepter de se faire violer et de voir le groupe de victimes accepter cette situation sans tenter de réagir. C'est un peu cracher à la gueule de l'Histoire et à la tradition de révolte qui traverse l'humanité. Pour une réflexion sur le pouvoir, autant revoir « L'expérience » d' Oliver Hirschbiegel.
Meirelles ne prend pas de recul sur son histoire, tiraillé entre une vision métaphorique et réaliste, il va malheureusement à fond dans le sensationnalisme et la démonstration, favorisant les scènes chocs et le pathos à la retenue.