Blindspotting est à l'image de son contenu : c'est un véritable uppercut porté aux drames traditionnels nous dressant avec malhabileté la question d'un racisme anti-noir ordinaire. La scène d'introduction animée par la tessiture ténor d'un concerto nous met au diapason avec le rythme de cette oeuvre caricaturale. Que vous le voulez ou non, on est là pour aimer l'Amérique et sa richesse culturelle. Caméra embarquée sur les fresques multicolores des quartiers populaires, alignée sur le tempo de l'hip-hop, l'Oakhland est présenté comme étant l'épicentre d'un lieu où rien ne s'arrête vraiment.
Rien ne s'arrête vraiment, comme le compte à rebours qui défile, fil conducteur de la vie de Collin, ex-détenu, qui doit s'astreindre à organiser comme du papier à musique les trois derniers jours de sa liberté conditionnelle. Que représentent trois jours lorsqu'ils permettent de se délester des boulets accrochés à nos pieds ? D'infinies possibilités pour se retrouver lestés d'un autre poids, cette fois-ci bien plus lourd.
Ce sera le poids du changement, le poids d'une certaine rédemption aussi, d'une revanche sur la vie et avant tout de la construction d'identités. Carlos Lopez maîtrise bien son sujet avec en tête d'affiche deux antihéros qui connaissent leur domaine : le ghetto, son jargon, le style blingbling, les gros bolides et bien sûr les guns - que serait l'Amérique sans ses joujous explosifs ?
Cette maîtrise du cadre et des personnages nous entraîne d'ailleurs malgré nous, alignés sur la cadence de scènes grandiloquentes où le logos est roi. La version originale est absolument indispensable pour un visionnage sans filtre au risque de passer à côté de l'éloquence musicale de chacun des échanges.
Les punchlines poétiques et savoureuses, outils indispensable et cache-misère des deux protagonistes ne nous font pas pour autant oublier le leitmotiv du réalisateur. Le fruit d'une réalité dure et amère d'une Amérique populaire ; où la Police tire sans hésitation sur les noirs, où les blancs doivent rapper pour coexister, où la violence est un mode d'expression...
Blindspotting reste un show délicieux, une douce symphonie, où le spectateur doit percer les angles morts pour en saisir toute la substance.