« Blonde Venus » est le cinquième film de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich, et le seul qui se déroule aux Etats-Unis. Sorti en 1932, il met en scène, outre la reine, un jeune Cary Grant et un moins jeune Herbert Marshall, qui a également partagé la vedette avec Marlene chez Lubitsch.
Alors que, jeune étudiant, l’américain Edward Faraday visite l’Allemagne avec ses comparses, les touristes tombent sur une bande de sylphides qui s’ébattent joyeusement dans les eaux claires de la rivière. L’entreprenant Ned fait alors une cour empressée à l’une d’entre elles, la fière et flamboyante Helen. Les deux tourtereaux ne tardent pas à convoler, et nous les retrouvons quelques années plus tard, heureux couple marié, parents d’un garçon.
Malheureusement, le brave Monsieur Faraday, tel la Marie Curie moyenne, s’est durablement empoisonné la santé en manipulant quelque substance hasardeuse. Il se croit condamné, mais d’après son médecin, il reste un espoir : un séjour en Allemagne, où un professeur émérite possède un traitement moderne et efficace. Seul bémol, le coût de l’affaire dépasse très largement les revenus de nos héros. Prête à tout pour sauver son mari, Helen décide de remonter sur la scène.
Le film de Sternberg possède une certaine ressemblance avec « Angel » de Lubitsch – on pourrait presque le considérer comme un sorte de "prequel". Outre les acteurs, récurrents, Marlene Dietrich y campe le même genre de personnage, et celui d’Herbert Marshall pourrait presqu’être le même, à condition d’avoir finalement obtenu le succès qu’il espère dans « Blonde Venus ».
Par ailleurs, le film possède un statut particulier dans l’œuvre du couple von Sternberg/Dietrich. Ancré dans un cadre plus banal, terre à terre, si j’ose dire, il est dépouillé du faste ostentatoire et mélancolique des autres métrages du duo. Le personnage de Marlene Dietrich, figure centrale de toute cette série de films, y est également différent. Elle s’apparente plus ici à l’héroïne de « Shanghai Express », volontaire et prête à tout pour sauver celui qu’elle aime, qu’aux tentatrices de « L’Ange Bleu » ou de « La Femme et le pantin ». Et c’est, au fond, l’histoire de « Blonde Venus » dans sa forme la plus simple : une épouse et mère courageuse qui, dans une abnégation totale, utilise tous ses talents et ressources pour protéger les siens.
C’est selon moi cette platitude, cette histoire assez ordinaire, qui rend le film assez fade. Von Sternberg n’est jamais aussi brillant que lorsqu’il crée des atmosphères lourdes et hallucinées, où il fait évoluer des personnages romanesques et tortueux. Bien sûr, la photographie reste impeccablement soignée, et certaines scènes sont magnifiques, mais l’on est toutefois loin d’un « Shanghai Express » ou de « L’Impératrice Rouge ».
Par ailleurs, si Marlene est toujours aussi belle, et se montre presqu’aussi convaincante en mère aimante qu’en chanteuse délurée (n’exagérons rien, le second rôle lui va toutefois beaucoup mieux…), elle n’est ici pas très en voix.
L’estocade finale est portée par Herbert Marshall, qui est aussi monotone et morbide que dans le Lubitsch. Les rares apparitions de Cary Grant apportent un second souffle au film, mais elles sont trop peu nombreuses et trop légères pour en assurer le succès.
Film mineur de la collaboration mythique entre Josef von Sternberg et Marlene Dietrich, « Blonde Venus » est un film sur une mère courageuse et sans scrupule lorsqu’il s’agit de défendre ses proches. Malgré toute la maîtrise du réalisateur et la majesté de son interprète principale, le film manque de l’esprit romanesque et décadent qui fait le génie de von Sternberg pour s’imposer comme une œuvre majeure.