Dans ma quête de découvrir des films de genres susceptibles de me faire vibrer et de m’arracher une petite larme, Blood Island de Jang Cheol-soo parvient à satisfaire mes exigences.
Séoul, capitale de la Corée du Sud. Hae-won (Ji Sung-won) est une connasse sans cœur, dénuée d’empathie, pur produit du capitalisme. Un comportement qui l’amène à devoir se réfugier loin de la grande ville, sur la petite île de son enfance. Elle retrouve son amie Bok-nam (Seo Young-hee), devenue mère d’une adorable petite fille et mariée à une merde humaine.
Le paysage est idyllique, pas les habitants de cette île aux mœurs désuètes où la violence des rapports règnent sous le joug des hommes avec la complicité des vieilles femmes, formatées pour assouvir leurs besoins. Dans ce contexte, la présence de Hae-won, une jeune femme émancipée des préceptes du patriarcat, va attiser les tensions, dont Bok-nam va en être le réceptacle puis la main vengeresse.
Hae-won ne comprend pas son amie. Elle exhorte à se réveiller, tout en lui signifiant qu’elle doit se débrouiller seule. Bok-nam reste seule contre tous. Elle veut sauver sa fille des griffes de son père lubrique et violent, lui offrir une meilleure vie, dont elle estime qu'elle ne peut être que du fait de Hae-won. Elle est restée sur cette île, à ressasser leur enfance, persuadée que cette amie, va être sa bouée de sauvetage.
Bok-nam est une femme soumise. Son mari est un impuissant, doublé d’un incapable, qui ne trouve que son plaisir dans une domination masquant sa médiocrité. Il l’animalise, la traitant constamment de clébard, ainsi que de feignasse, pour se rassurer. Le beau-frère la viole. La tante la rabaisse, de la même manière que son mari. Les autres femmes se montrent dédaigneuses à son encontre. Elle n’a que sa fille, qui est en train de lui échapper, par la volonté d’un père qui pose son emprise sur elle.
En dehors de la citadine, Hae-won, les femmes ne sont que des objets pour les hommes. Du moins, les jeunes femmes. Les autres étant leurs complices, mettant des œillères, afin de ne pas bousculer le quotidien de leurs vies paisibles. Elles sont dans l’incapacité de survivre sans les hommes, ou du moins le pensent-elles, sur cette île aux mœurs d’un autre temps. Elles sont spectatrices et complices de la violence de ces hommes.
Les souvenirs de l’enfance ressurgissent, démontrant que la violence est déjà omniprésente lors de cette période de leurs vies. Elles restent le fait des garçons. Bok-nam en est la victime. Une posture que le passage à la vie adulte ne va pas modifier, pour en faire leur esclave. En apparence, Hae-won a échappé à cette condition sociale. Du moins, elle ose le croire, alors qu’elle est l’esclave d’un système qui a fait d’elle cette personne détestable.
On ne nous épargne rien avec une crudité et cruauté typique du cinéma sud-coréen, que ce soit dans les mots, les actes où son jeu de massacre.
Le film est d’un style contemplatif. Il prend le temps d’instaurer le climat social, d’aborder diverses thématiques, dont la violence cristallise son ensemble, avant que celle-ci ne se retourne contre eux, après avoir été trop longtemps réprimée avec une brutalité salvatrice.
Blood Island est une réussite dans le genre Rape and revenge. Il est récompensé par le Grand Prix Gérardmer 2010, malgré la présence de I Saw the Devil de Kim Jee-woon dans la compétition.