Le renouveau du revenge-movie.
Ayant remporté le Grand Prix au festival de Gérardmer 2011 et ayant été nominé au festival de Cannes en 2010, ce Bedevilled, ou du moins Blood Island (remanié certainement pour des raisons commerciales) était attendu avec impatience dans les bacs. Découverte d'une oeuvre unique.
Hae-won (Seong-won Ji) est une jolie trentenaire célibataire. Contrainte à partir en congés, elle se rend à Moodo, une petite île sur laquelle elle passait ses vacances étant plus jeune. Elle y retrouve Bok-nam (Yeong-hie Seo), son amie d'enfance, soumise à la volonté tyrannique de ses habitants et à des humiliations quotidiennes. Bok-nam supplie Hae-won de l'aider à s'échapper, mais celle-ci refuse de s'impliquer dans une situation qui s'apprête à basculer dans l'horreur...
Premier film du Coréen Chul-soo Yang, Blood Island est une incroyable réussite. Faisant de prime abord penser à un revenge-movie classique, ça n'en est en réalité pas un. Contrairement à ses contemporains qui nous présentaient la plupart du temps très vaguement ses protagonistes, puis leur insoutenable calvaire, et enfin leur longue vengeance servant d'excuse à des effusions de sang, l'oeuvre se concentre d'avantage sur ses protagonistes pour mieux nous faire comprendre leur psychologie.
Les jeunes femmes étaient amies étant enfants, l'une était faible et l'autre forte, la première est allée à la ville et est restée faible, l'autre est restée à la campagne, mais est à son tour devenue faible. Mère d'une enfant illégitime et battue par un mari qui se tape devant son nez des prostituées, ainsi que sa fille haute comme trois pommes, les tensions montent progressivement, et l'on sent que ça va exploser, sans que l'on puisse prédire quand. On se passionne pour ces deux femmes, l'une passive et ne réagissant jamais, tout comme l'autre, qui bien qu'elle tente à plusieurs reprises de reprendre le contrôle, sera constamment découragée par les femmes du village qui ne cessent de lui répéter que tout est normal et qu'une femme se doit d'être soumise à son mari.
La tempête sera finalement longue à venir, mais lorsqu'elle arrivera, tous les critères des personnages, qui nous auront été longuement expliqués, seront utilisés pour mieux nous faire comprendre la destinée qu'auront chacun des intervenants.
Bref, Blood Island est une oeuvre maîtrisée, intelligente, féministe, bien écrite, suivant un développement efficace, et sachant gérer le gore de façon à ne pas nous le servir sans but précis. Que les amateurs de bidoche soient néanmoins rassurés, ils en auront pour leur argent. D'ailleurs en parlant d'argent il est étonnant de voir ce que le réalisateur a réussi à faire avec si peu de moyens (700.000$), la photographie étant superbe, nous offrant des prises de vues incroyables (le plan final est stupéfiant d'ingéniosité), de même que les effets gores, soignés et crédibles.
Pour conclure, les amateurs de revenge-movie auront là une pièce de choix qui viendra s'inscrire directement dans leurs références. Les autres pourraient être bien surpris, car au-delà d'un film de bidoche, c'est surtout un excellent thriller psychologique savamment mélangé à une idéologie féministe.
Mention spéciale pour Gi-tae Kim, le directeur de la photographie, qui a réussi, malgré un budget anorexique, à nous servir une oeuvre aux couleurs chaudes et naturelles, et aux plans toujours plus resplendissants (il travaille souvent avec le réalisateur et scénariste Ki-duk Kim, pas n'importe qui en somme).
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