Après la grosse déception des "petits mouchoirs" où Canet s'essayait au film de potes et s'y cassait les dents : trop long, peu d'émotion, personnages fades et environnement bobo un peu gênant ( loin, très loin du splendide " Mes meilleurs copains" de Poiré.) le réalisateur, cinéphile averti, s'attaque au polar à l'américaine, et pas des moindres, celui du Nouvel Hollywood, ni plus, ni moins, référence directe et pas voilée. Sauf que, n'est Coppola, Scorcese , De Palma, Cimino qui veut...Malgré James Gray au scénario, une reconstitution du New-York des années soixante-dix qui tient la route mais est trop artificielle, le réalisateur s'emmêle les pinceaux et ne sait pas trop où il va et nous non plus, par conséquent.dommage, parce qu'avec une histoire pareille, en béton armé, on imagine aisément ce qu'aurait pu en faire Tarantino au sommet de sa forme. Guillaume Canet joue donc à cloner Tarantino mais n'y parvient pas. Même l'extraordinaire bande-son ne relève pas le défi, la musique est présente mais sans signification aucune, placée là gratuitement pour faire seventies, ou vintage. Le début du film est révélateur de la difficulté pour Canet de dépasser ses maîtres : un dialogue stupide entre caïds qui chez Tarantino aurait été transcendé par l'autodérision ( voir la scène de " Pulp Fiction" enter Jackson et Travolta qui philosophent sur les hamburgers européens ), tombe ici à plat.
C'est d'autant plus dommage qu'il y a tout dans cette histoire simple : les liens du sang donc, la rédemption, la violence, les voyous, les losers magnifiques, la drogue, le vice, le sexe, l'image du père, le quartier de Brooklyn...Tout pour faire un chef-d'oeuvre. On pense à "l'impasse", on pense à "Jackie Brown" mais c'est une pensée lointaine, plutôt un regret, on aurait préféré assister effectivement à un grand spectacle digne de ce nom. Canet va même jusqu'à filmer une scène longue à Grand Central Station, comme à la fin de " Carlito's way" mais là : plouf ! Pas de plan-séquence hallucinant. Tout juste un zeste de suspense, et encore...Les acteurs font ce qu'ils peuvent avec leurs dialogues sans aucune profondeur. James Caan sort du lot quand même. On en ressort frustrés. Autant de bruit pour rien. Lisse, calqué, impersonnel, académique,sans émotion aucune et le sujet s'y prête à merveille pourtant. On est triste pour Canet car il se dégage une réelle volonté de bien faire. Il n'a pas réussi à faire face à son ambition, il a voulu placer la barre trop haut. Il s'amuse sans doute, mais pas nous. Il réalise son rêve d'enfant, faire un film de gangster mais est incapable de rivaliser avec les dieux du genre.
Finalement, je crois que " Ne le dis à personne " nous a trop fait espérer, la déception n'en est que plus cruelle.