Nous ne sommes pas seuls dans l’espace !
Car il y a aussi des vampires !
… Pardon ?
En 2205, la Terre est épuisée, elle a la langue qui pendouille à force d’avoir été exploitée. Les Humains décident donc de coloniser l’espace. Mais une autre espèce est présente sur les autres planètes, une race de vampires. Une unité de soldats prête à faire le sale boulot se nomme la V-San (pour Vampire Cordon Sanitaire) avec à son bord le commandant Churchill, le nouvel arrivé Damian, deux soldats Rosa et Roman décontractés mais loyaux et Quintana, mi-humaine mi-vampire.
De la pertinence scientifique de l’existence de ces vampires dans l’espace, le spectateur y réfléchira tout seul, le film ne le fera pas. C’est comme ça et pourquoi pas. Il fait tout de même l’effort de diversifier les races de suceurs de fluides, avec certains qui préfèrent les hommes bien chauds et bien vivants et d’autres qui sont des vers parlants (animés comme une moufle avec une main dedans) qui veulent leur chair morte à point. La majeure partie rencontrée ressemble de toute façon à des amateurs de hard-rock qui n’auraient pas vu la lumière depuis longtemps, avec leurs blousons en cuir et leurs t-shirts sataniques. On le saura, l’espace contient donc des vampires métalleux blafards.
On rigole, on rigole, mais il ne faudrait pas tirer à bout portant sur cet étrange film, téléfilm canadien et diffusé sur Sci Fi Channel, la chaîne de la série B, amatrice de ce genre de propositions.
Le budget est réduit, et cela se ressent. L’exotisme extra-terrestre est absent, la faute à des décors naturels bien de chez nous (mais très jolis) et autres reconstitutions d’intérieurs un peu plus hasardeuses. La modélisation numérique des vaisseaux est assez sommaire, et n’est qu’une preuve de plus du porte-monnaie peu dépensier du film. La bande-son n’est guère imaginative, plaçant ses quelques morceaux rock au bon moment et un peu trop prévisible dès qu’une note de piano arrive : c’est l’instant émotion.
Pour autant, Matthew Hastings qui signe le scénario, produit le film et le réalise assure une mise en scène tout à fait convenable, avec une caméra assez dynamique et une photographie réussie qui cache un peu le manque d’imagination des décors traversés de cet étrange film de série B.
Car Bloodsuckers est assurément un film de série B, un étrange patchwork entre la science-fiction, l’horreur et l’action, de quoi cocher toutes les cases pour l’amateur de films d’exploitation, bien que celui-ci ait rarement l’occasion de voir un tel mélange. L’horreur sera surtout visuelle, avec du sang qui gicle par litrons et quelques beaux maquillages de cadavres aux tripes en évidence. Dommage, si ce rouge sang se retrouve encore par la suite, il est surtout affiché lors des premières scènes du film, où l’équipage découvre un refuge humain décimé.
Ces membres de la V-San sont lourdement armés, et ne sont pas là pour rigoler, quand la grosse pétoire ne suffit pas ils ont bien sûr le pieu métallique pour finir le travail. C’est bien cette équipe qui porte le film sur leurs épaules, ces soldats qui sont là pour le sale boulot, plus proches de mercenaires combinards que de troupes d’élites. Avec la mort de Churchill, Damian va avoir bien du mal à garder ses troupes unis, l’entreprise semble vouée à l’échec. Mais ces frères d’armes vont apprendre à se serrer les coudes, dans une belle camaraderie qui sent bon la poudre et la sueur. La simplicité de leurs caractères ne joue pas en leur défaveur, même si leurs relations se construisent mieux en cas de conflits. Il y a certains baisses du régime moteur lors du déroulé, c’est bien beau la parlotte mais c’est mieux quand ils se battent pour leur vie.
Ils sont d’ailleurs assez bien interprétés par quelques comédiens habitués des séries télé et des téléfilms, dont Joe Lando, Dominic Zamprogna, Natassia Malthe, Aaron Pearl et même Michael Ironside en vilain cabotineur vampire, une sacrée année 2005 pour lui avec Reeker.
Oh, il faudra bien faire avec quelques facilités de scénario, se mettre quelques œillères. On pourra s’étonner que ces quelques zigotos zigouilleurs semblent être les seuls à lutter contre les vampires, alors que bon, c’est grand l’espace. Ou que Quintana, l’hybride bien entendu sexy, possède ce magnifique pouvoir de lire dans les pensées, ce qui aurait été bien utile pour bien des occasions, notamment de découvrir les intentions cachées d’un des personnages croisés.
Le film semble d’ailleurs proposer avec ce rôle un personnage altermondialiste à l’échelle cosmique, piégeant les humains et donc sa propre race pour lutter contre impérialisme humain qui colonise l’espace sans laisser la place aux vampires de coexister. Ce n’était pas une mauvaise idée, elle n’est pas vraiment contredite dans le film, mais cela ne change rien au fait que les vampires ne sont pas gentils, qu’ils veulent tuer les humains et qu’il faut donc les tuer. Ouf, les personnages peuvent retomber sur leurs pieds sans rayer leurs guns.
Bloodsuckers est donc un improbable cocktail dont il faut accepter sa légérété et sa simplicité. A bien des égards, le film rappelle certaines bandes dessinées de genre, avec leurs personnages exagérés et des contextes facilement appréhendables. Si Bloodsuckers avait pu développer ses idées de vampires dans l’espace et cette unité spéciale à leurs trousses sans les limitations de budget d’un téléfilm, j’aurais bien volontiers poursuivi leur route.