Ce qui nous est d’abord présenté comme le meurtre d’une prostituée dans une ruelle malfamé s’avère être en réalité une reconstitution dans l’environnement cloisonné d’une pièce de théâtre. La caméra prend alors du recule pour s’immiscer dans l’envers du décor et s’intéresser aux conditions d’un casting soumis aux directives d’un metteur en scène despotique. Alicia va tenter de cacher son entorse à la cheville par peur de voir le rôle principal lui passer sous le nez, alors avec l’aide d’une complice, elle va s’en aller quémander des soins à l’asile psychiatrique du coin où est interné le sinistre meurtrier Irving Wallace. Au retour de l’hôpital, la maquilleuse sera assassinée. Mais en bon producteur, le metteur en scène va chercher à profiter de cette tragédie pour faire la promotion de son show tout en contraignant ses intermittents à d’éternelles répétitions la nuit tombée contre une misérable rallonge de paie. Seulement ce qu’ils ne savent pas c’est que le tueur s’est infiltré dans les coulisses de la représentation et qu’il va prendre à bras le corps le rôle de l’oiseau de proie.
Bloody Bird aurait pu se contenter de reproduire les sempiternelles conventions du Slasher ayant saturé le marché avec un autre ersatz d’équarisseur au masque de prédateur. Après tout le cinéma bis transalpin de l’époque ne manquait jamais de plagier ou d’exploiter le filon du cinéma d’exploitation américain. Et bien non, car derrière ce remarquable coup d’essai, il y a la vision d’un jeune auteur très influencé par le Giallo et autrefois assistant de Joe d’Amato. Si le scénario peut légitimement évoquer celui du Fantôme de l’Opéra, le masque de hibou ramène le tueur au bestiaire sacralisé des premières œuvres de Dario Argento, on pense forcément à L’Oiseau au Plumage de Cristal avec lequel il partage également cette notion d’enfermement, l’un au sein d’une salle de spectacle, et l’autre dans le sas d’une galerie d’art où chacun des acteurs se retrouvent comme spectateur face à une situation d’effroi.
La comparaison s’arrêtera là, même si Michele Soavi infuse sa dernière partie du même onirisme machiavélique que dans Suspiria lorsque son acteur totalement aliéné s’improvisera lui-même réalisateur en soignant ses meurtres d’une mise en scène aussi artistique que morbide en employant le matériel (spots lumineux, musique d’ambiance intra-diégétique) et les outils (poignard, perceuse et tronçonneuse) mis à sa disposition afin d’instaurer un climat de pure terreur avant de trucider ses victimes et de disséminer harmonieusement leurs corps sur le plateau pour y trôner en parfait maître de l’horreur lors du climax contre son interprète principal judicieusement prénommée Alicia, mettant ainsi en exergue le monde fictif et imaginaire de la scène à celui des coulisses que l’oiseau de nuit va emprunter afin de basculer à son tour de l’autre côté du miroir (ou plutôt du décor).
Plus on est de fous, plus on rit. Sur l’Écran Barge, tu trouveras toute une liste de critiques de films complètement DIN-GUES !