Il faut bien reconnaître que depuis plusieurs mois maintenant, le genre super héros traverse une zone de turbulences. Il faut bien reconnaître aussi que, depuis plus de vingt ans, la plupart des personnages les plus connus en matière de comics ont été portés à l'écran.
Continuer de piocher dans un tel vivier, a priori inépuisable sur le papier, implique donc de faire appel à des héros de deuxième, voire de troisième plan, et donc beaucoup moins connus du grand public.
Et puis, tous les réalisateurs qui se frottent à l'exercice ne s'appellent pas Stephen Norrington ou encore James Gunn, soit des gars qui ont assez de malice et de talent pour faire exploser la notoriété et le cool de persos comme Blade ou les Gardiens de la Galaxie...
La sortie d'un film comme Blue Beetle a par ailleurs tout de l'aveu d'impuissance s'inscrivant dans le chemin de croix d'un univers DC sous respirateur artificiel qui attend décembre 2023 et Aquaman et le Royaume Perdu pour être jeté dans une fosse commune.
Qu'attendre donc d'un film, qui a tout du rescapé, qui restera à l'évidence orphelin dans un nouvel et hypothétique univers DC et dont le personnage principal est inconnu du grand public ?
A part, bien sûr, imiter la formule magique opportuniste du premier super héros représentant une communauté, comme Black Panther ou Shang-Chi, et comme Encanto l'avait expérimenté dans le domaine de l'animation ?
Beaucoup vous diront que Blue Beetle ne vaut guère mieux que Black Adam, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, Shazam : La Rage des Dieux ou encore The Flash.
Sauf que le masqué va encore trouver le moyen de sauver deux ou trois choses de l'entreprise. Même si à l'évidence, l'oeuvre convoque l'ensemble des figures imposées du genre depuis son avènement, tendance Spider-Man, pour la découverte des pouvoirs, et Iron Man, pour les armures et le conglomérat militaro industriel semblable aux Stark Industries. Avec un soupçon de Shang-Chi pour les sidekicks familiaux humoristiques parfois lourdingues.
Mais il est aussi rafraîchissant de voir un film qui ne s'appuie sur aucune tête d'affiche identifiable, qui s'affranchit des featuring de la Justice League et qui ne se raccroche jamais au reste de l'univers DC. Tout comme il est agréable de ne pas voir le film tomber dans le jeunisme en n'excluant pas la précédente incarnation du Blue Beetle de l'équation.
L'oeuvre a le mérite, enfin, d'aborder certaines thématiques intéressantes, sans jamais, cependant, pleinement s'en emparer, ou alors seulement au détour d'une seule scène, pour mieux ensuite se remettre sur les rails de sa formule immuable. Le traitement subi par la communauté latino, le phénomène de gentrification, le fossé entre les classes sociales auraient pu apporter un soupçon d'originalité à l'entreprise. Tout comme le fait que, dans l'armure, cohabitent deux entités, soit le même concept en or massif qui animait le formidable Upgrade de Leigh Whannell en 2018...
Voilà sans doute le plus gros défaut de Blue Beetle : ne jamais se distinguer de la masse et porter à l'écran une nouvelle histoire générique de naissance d'un héros, sans génie, sans fulgurance, sans aspérité. Et si le film s'avère pas trop mal fait, sympa sur le moment, avec une ou deux empoignades plutôt convaincante dans la veine de Iron Man 2, il est dépourvu d'une quelconque envie, d'une flamme qui le rendrait unique.
D'aucun crieront au nouveau ratage. Quelques uns s'en réjouiront sans doute en vous assénant, en espérant prouver qu'en plus, ils ont de l'esprit, des jeux de mots idiots à base de "mariachis dans la colle". Soyons un peu plus nuancé en retenant que Blue Beetle est pris au piège tant par vingt-cinq ans (déjà) de super hero movie que par la lente agonie programmée de son univers dont il est déjà le dernier fantôme.
Et cela, toute la sympathie relative que l'oeuvre peut susciter ne saurait l'empêcher.
Behind_the_Mask, 1001 pattes.