Blue Movie
Blue Movie

Film de Andy Warhol (1969)

Andy Warhol est un artiste sans que l'on sache vraiment pourquoi. Ces œuvres n'étaient pas incroyablement belles et c'était clairement un piètre réalisateur. La plupart de ses films sont des plans fixes mal cadrés et à la photo crade (on dira que c'est pour l'effet "anti-film"). Warhol c'est avant tout un esprit avant-gardiste qui a fait parler et bouger les intellectuels new-yorkais des 60's. On peut distinguer deux types de films dans sa filmographie, les plus "classiques" comme la sympathique trilogie Flesh/Trash/Heat dont il délaisse la réalisation à son comparse Paul Morrissey (lui servant surtout à mettre un nom connu sur l'affiche) et les plus expérimentaux dont il s'occupe davantage. Parmi ceux-là, on se retrouve avec des œuvres détestées et bien mal comprises par le public qui n'en voit pas l'intérêt. On peut évidemment parler de Sleep où il filme son amant de l'époque, le poète John Giorno, en train de dormir pendant plus de cinq heures ou bien son plan fixe de huit p*tains d'heures de l'Empire State Building. C'est simple, ce sont des "anti-films", le but étant de s'éloigner de toute la fausseté du cinéma et de filmer la réalité (ici de manière poussée à l'extrême). C'est de l'art purement conceptuel et l'on est même pas obligé de les regarder pour en débattre. Et dans le fond qu'il y a-t-il de plus beau que de regarder la personne qu'on aime dormir paisiblement ? C'est dans cette optique qu'ont également été tourné Eat, Kiss ou Blow Job (une fellation homosexuelle non-simulée mais où seul le "receveur" est dans le champ). L'étape suivante pour Warhol était logiquement "Fuck"...


C'est ainsi qu'il réunit l'actrice Viva et l'acteur Louis Waldon (https://whitney.org/uploads/image/file/748229/large_bluemoviestill_forweb.jpg), deux de ses habituelles "superstars", dans l'appartement du journaliste David Bourdon, à Greenwich Village (Manhattan, New-York). Pourquoi ici et pas à The Factory ou l'Hôtel Chelsea comme la plupart de ses films ? Allez savoir... Peut-être que les acteurs voulaient un endroit plus discret... Les deux acteurs du film s'allongent alors sur un lit et entament une conversation (soit près de deux heures de totale improvisation !) sur des sujets d'actualité (guerre du Vietnam, Richard Nixon...) ou sur le mariage raté de Waldon et sa déception face à l'amour (la partie sur les mantes religieuses est très drôle). Bien sûr les deux se chauffent pas mal, commencent à se toucher puis à se déshabiller jusqu'à ce que leur conversation soit interrompue par des préliminaires (bien soft pour du Warhol) puis par la scène qui fit scandale, une pénétration non-simulée... Les deux amants reprennent ensuite tranquillement leur conversation sous la douche. Toute la partie "sexe" dure une petite demie-heure, soit un petit quart du film. Toute cette longue conversation est plutôt intéressante dans l'ensemble et n'est pas dénuée d'humour (elle a été compilée dans un livre qui coûte dans les 50 balles mais qui ferait bien sur mon étagère). Le duo est assez attachant, leur complicité est touchante et réelle et je n'ai pas tellement ressenti de longueurs. Bref, j'ai trouvé ce film franchement sympathique. En gros c'est le même concept que le chouette "Habitación en Roma" de Julio Medem (version lesbienne mais simulée) en 2010.


Renommé "Blue Movie" parce que ce tâcheron de Warhol s'est planté de pellicule et s'est retrouvé sans le vouloir avec une image bleutée (paradoxalement c'est sûrement son film avec la plus belle photo) et parce que c'est une expression évoquant les films olé-olé, il devint le premier film contenant une scène de sexe non-simulée à connaître une sortie en salles traditionnelle. La critique adora et il rapporta apparemment pas mal d'argent durant son unique semaine d'exploitation. La censure débarqua ensuite pour arrêter tout le monde, distribuer des amendes et confisquer le film. Ce fut tout de même le début de l'âge d'or de la pornographie (trois ans avant le fameux Gorge profonde) et la création du genre "porno-chic". S'il n'est pas très marquant en terme du pure érotisme, il reste un film culte et culotté, probablement l'une des œuvres les plus importantes de la carrière de Warhol.

BigMacGuffin
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le 16 août 2018

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