Financé en partie via Kickstarter et véritable bête de festivals, Blue Ruin, second long-métrage de Jeremy Saulnier, s'éloigne quelque peu du schéma classique du revenge movie, expédiant en un petit quart d'heure la dite vengeance pour s'attarder justement sur les répercussions d'un tel geste.


Quasiment mutiques, presque planantes avant d'éclater dans une violence sèche et soudaine, les premières minutes de Blue Ruin laissent supposer une sorte de western moderne aussi âpre que contemplatif, le tout émaillé d'un humour noir décalé qui n'est pas sans rappeler le cinéma des frères Coen. En observant un anti-héros basculer dans l'escalade de la violence, Jeremy Saulnier semble esquisser une réflexion sur la loi du talion, et notamment sur l'impact psychologique et sur la spirale infernale qu'elle entraîne.


Si le cinéaste tente d'apporter un éclairage nouveau sur les évènements, les apparences étant bien souvent trompeuses, le script ne parvient jamais à décoller réellement et à proposer quelque chose de neuf. Le portrait d'une Amérique laissée sur le bord de la route a le mérite d'exister mais les personnages, d'abord intéressants, ne s'avèrent finalement que de simples pantins manquant cruellement de nuance et d'épaisseur, le propos initial se voyant pour le coup largement amoindri.


Loin d'être un manchot derrière une caméra, Jeremy Saulnier capture de beaux décors, accouche de plans parfois sublimes, mais donne l'impression de livrer un travail trop appliqué, manquant cruellement d'une véritable personnalité. Le rythme du film s'en ressent, l'intérêt ayant tendance à baisser à mesure que l'on progresse en compagnie d'un protagoniste principal il faut bien le dire peu charismatique, ce qui était cependant le but recherché j'imagine.


Prometteur dans ce qu'il laisse entrevoir des capacités de son metteur en scène, Blue Ruin ne parvient malheureusement pas à aller plus loin que son pitch de base malgré des ambitions louables et une facture technique soignée à défaut d'être véritablement personnelle. Je guette cependant avec curiosité le prochain essai de Jeremy Saulnier, présenté à Cannes cette année.

Gand-Alf
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le 9 déc. 2015

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